Sleepers
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Sleepers

par Jean-Dominique Quinet
Publié: Dernière mise à jour le

Equipe:
Durée : 140’
Genre:
Date de sortie: 10/12/1996

Cotation:

1 sur 6 étoiles

Si vous avez manqué le début:

Michael, Lorenzo, Tommy et John grandissent ensemble, à Manhattan, dans Hell's Kitchen. Vivant de petits délits, leur existence bascule le jour où un de leur méfait tourne au drame. La justice, sévère, les envoie à Wilkinson, un centre de détention pour jeunes délinquants. Là, c'est l'enfer. Les gardiens, dirigés par Nokes, les prennent en grippe: ils les humilient, les battent, les violent. Ces nuits d'effroi marquent à tout jamais les quatre adolescents.

rnDix ans plus tard, le destin a séparé leur route. Tommy et John sont des criminels sans pitié. Ils rencontrent Nokes par hasard. Ils l'abattent sans hésitation. Le jugement est l'occasion pour Lorenzo (journaliste) et Michael (avocat) de régler leurs comptes avec les tortionnaires...

 

Notre critique:

SLEEPERS arrive.

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La bande annonce déferle sur les écrans. Les publicités envahissent les rues.
L’argument-choc de cette nouvelle grosse production d’outre-Atlantique? Une distribution impressionnante qui rassemble pendant 2 heures quelques grands noms du cinéma américain: Robert De Niro, Brad Pitt, Kevin Bacon, Dustin Hoffman et Vittorio Gassman. Une telle mobilisation est prometteuse et digne d’un film exceptionnel. Hélas ! Cette façade flamboyante cache un manifeste des plus discutables.

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Le film s’articule en deux parties : la première est une longue présentation des différents protagonistes. La deuxième démonte minutieusement le mécanisme de la vengeance. Elle s’articule autour du procès, et ressemble à certains moments à une adaptation de Grisham.

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SLEEPERS aborde des thèmes semblables à EYE FOR AN EYE et A TIME TO KILL : la vengeance personnelle et la faiblesse de la justice. Le principe de base est le suivant : les lois et le système judiciaire sont désormais incapables d’objectivité. Ils s’avèrent inefficaces quand il s’agit de condamner un certain type de criminels -les hommes politiques, les policiers, etc. Dans ce cas, c’est à la victime de punir ses agresseurs. Une hypothèse tristement d’actualité en Belgique. Un film qui risque de remporter l’adhésion du grand public, particulièrement sensible à ces arguments. Mais voilà, le bât blesse. Même si le problème soulevé par SLEEPERS est réel, les solutions qu’il apporte sont à proscrire. A écouter Barry Levinson (réalisateur et scénariste), les vrais héros sont des avocats véreux et ivrognes, des dealers ‘au coeur noble’, ou encore des membres de la mafia. Guérir le mal par le mal, en somme. Défendre des crapules au nom de la loi du Talion: le nouveau leitmotiv de l’homme de RAIN MAN. Tout simplement répugnant.rn

Pour distiller ses idées malodorantes, SLEEPERS utilise toutes les techniques hollywoodiennes éprouvées. La photographie est soignée et savamment calculée. Les scènes de brutalité sont en noir et blanc, à gros grains: cela accentue le sentiment de voyeurisme du spectateur, et son malaise. Le scénario est rythmé à coups de rebondissements (le prêtre va-t-il accepter de déposer un faux témoignage? Dustin Hoffman va-t-il s’écrouler ivre-mort au milieu de sa plaidoirie?). Le casting, enfin, est impeccable. De Niro, particulièrement, est superbe, dans un rôle de prêtre des rues au grand coeur.
Evidemment, à force d’user et d’abuser de mécanismes classiques, à force de jouer sur les émotions du spectateur, le résultat est artificiel, les sentiments préfabriqués, la sincérité étouffée. Qu’importe: l’essentiel est de tout vous faire avaler: et là, mission accomplie!rn

SLEEPERS est insidieux. Il est dangereux. Plus que jamais, ce film démontre combien le grand public est l’otage des idées des auteurs. Sans s’en rendre compte. Combien ressortiront de la salle, ravis, trouvant le film génial parce que Brad Pitt par-ci ou De Niro par-là? Le message, lui, est passé inaperçu. Du moins en apparence. A force de matraquage, il finira bien par passer, ce message-là.

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Et puis, il y a autre chose. Sur ce coup-là encore, des gros producteurs, sans morale eux, vont s’en mettre plein les poches. Ils s’en foutent,de ce qu’ils racontent. L’important, il est dans votre portefeuille à l’entrée, et dans le leur à la sortie. C’est ça aussi, le cinéma.