Amores Perros
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Amores Perros

par Sylvie Jacquy
Publié: Dernière mise à jour le

Cotation:

6 sur 6 étoiles

Si vous avez manqué le début:

Trois histoires mexicaines se rencontrent dans un accident de la route en plein Mexico.

 

Notre critique:

A ceux qui réduisent la culture mexicaine aux seuls tacos et tequila et qui résument son cinéma aux films étranges de Bunuel, AMORES PERROS (ou Amours Chiennes ou bien encore Love’s bitch selon la latitude sous laquelle on se trouve), est une bonne raison de se mettre quelque chose de neuf sous les crocs et de clouer le bec à certains. En effet, ce film est tout bonnement une étonnante découverte qui, de part l’originalité de sa construction et de son intrigue, est tour à tour un drame réaliste, une comédie absurde et un thriller psychologique.

Alejandro González Iñárritu (AGI) ex-Dj mais aussi jeune loup de la pub dont c’est le 1er long métrage s’est associé avec l’écrivain Guillermo Arriaga pour adapter à l’écran son roman après une bonne trentaine de versions de scénarios balancées à la poubelle.
Tous les deux natifs de Mexico, ont voulu raconter leur dégoût et leur rage de la déliquescence humaine au travers de cette cette mégapole qu’ils qualifient de « Monstre », sous la forme d’un triptyque à la Altman (SHORT CUTS) ou à la Tarantino (PULP FICTION), mais là s’arrête la comparaison car leur univers est personnel. Résultat, grâce à un découpage habile, trois histoires a priori sans lien, vont s’entrelacer et se rejoindre. Les personnages (et les chiens!) des trois épisodes se croisent sans jamais se rencontrer jusqu’à ce qu’un accident de voitures les lient malgré eux.

Ce monumental carambolage ouvre le film et revient à intervalles réguliers comme une métaphore de la furie humaine et sa perte de contrôle, rappelant que l’animalité et la sauvagerie des hommes est semblable à celle des chiens. Tantôt victimes, tantôt agresseurs le sort des bêtes et des humains va se sceller et se rejoindre au fil de ces trois épisodes en pleine jungle urbaine. On ne peut rien en raconter car ce serait trahir leur richesse mais les dévoiler juste un peu pour vous donner envie de vous lécher les babines. Le premier volet nous entraîne dans les bas-fonds de Mexico ou images pieuses et de violence se mélangent autours d’Octavio et de Cofi son molosse dressé au combat (et dont les aboiements font une terrible bande-son). Et puis il y a l’histoire centrale dans ce bel appartement tout neuf où s’installent Valeria super top model et Daniel son amant sans oublier Ricci le toutou sur qui la belle fait un transfert affectif. Leur bonheur virera vite au cauchemar à cause d’un trou dans le parquet. Quand au troisième épisode sous fond de vengeance et de meutre, c’est celui d’El Chivo, ce personnage symbolique qui va traverser les trois histoires. Ex-guérillero devenu clochard, il ballade sa crinère hirsute dans les rues de Mexico accompagné de sa horde de chiens pouilleux qu’il recueille et soigne.

L’univers de violence et d’horreur dans laquelle nous plonge cette descente aux enfers cruelle et brutale ne relève pas du fantasme et encore moins de l’univers fabriqué.
Le réalisateur et le scénariste le côtoient depuis leurs culottes courtes, pour exemple lors des repérages l’équipe s’est retrouvée mise en joue, revolvers sur la tempe par une bande de gamins du quartier où ont été filmées les scènes de combats de chiens clandestins. Ce qui a amené AGI à passer un accord avec les caïds du quartier lors du tournage afin d’obtenir leur protection, ce qui explique que les figurants soient plus vrais que nature et peut-être qu’il -AGI- se soit retrouvé à la fin du film à l’hôpital pour cause d’épuisement.

C’est tout son coeur et toutes ses tripes que mettent AGI mais aussi les acteurs (pour la plupart non professionnels ou venus du théatre) dans cette poésie noire. La sauvagerie et la violence peuvent indisposer, pourtant elles sont bien réelles et se nichent partout (vie politique, sociale, intime ou amoureuse).

AMORES PERROS est un film aux morsures qui laissent des traces et nous rappelle qu’un chien sommeille dans chaque humain… à moins que ce ne soit l’inverse.

 

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