Pas de Mostra de Venise en 2022 pour cause de BIFFF reporté pour l’équipe de Cinopsis. Pour pallier à cette frustration, il nous fallait donc retourner en Espagne, au festival de San Sebastían que nous avions découvert en 2020. Le festival basque fête cette année sa 70e édition, il fallait donc être présents.
Côtés invités d’honneur, le festival peut compter sur deux personnalités de choix : David Cronenberg et Juliette Binoche (qui en profite pour présenter deux films : AVEC AMOUR ET ACHARNEMENT de Claire Denis et LE LYCÉEN de Christophe Honnoré). Pour l’ouverture du festival, c’est Albert Rodriguez (LA ISLA MINIMA) qui a eu le plaisir d’y présenter son nouveau film : MODELO 77 (que nous avons malheureusement manqué et Dieu sait qu’on s’en veut).
Bref, trêve de bavardages, il est temps de rentrer dans le vif du sujet avec les films découverts le premier jour à savoir ARGENTINA 1985, AVEC AMOUR ET ACHARNEMENT, IL BOEMO, FOREVER et DON’T WORRY DARLING.
Tout d’abord, place à ARGENTINA 1985, qui fera l’objet d’une critique complète. Ce film de procès raconte l’enquête et le procès qui ont suivi la dictature militaire de Videla au début des années 80. Comme toute dictature, celle qui a sévi en Argentine fut particulièrement terrible, laissant encore aujourd’hui de nombreuses traces dans la société. De par son sujet, ARGENTINA 1985 est film forcément assez procédurier. Il plonge les spectateurs dans l’enquête que le procureur va mener afin de faire condamner tous les hauts gradés impliqués dans le génocide qui s’est déroulé. Ricardo Darin excelle dans le rôle du procureur Strassera tout comme le reste du casting de jeunes comédiens qui incarnent les jeunes diplômés en droit qui l’ont aidé dans sa tâche.
Le film sera à découvrir sur Prime Video dès le 21 octobre.
Place ensuite à AVEC AMOUR ET ACHARNEMENT, le second (enfin, premier techniquement) film de l’année de Claire Denis. Le film a fait sa première en février dernier lors de la Berlinale où il a d’ailleurs remporté un Ours d’Argent de la meilleure mise en scène. Cela + le Grand Prix (ex-aequo avec CLOSE de Lukas Dhont) remporté à Cannes pour STARS AT NOON, on peut dire que Claire Denis passe une bonne année. C’est bien la seule d’ailleurs tant ses deux films posent questions. Daté, pour ne pas dire passéiste, désincarné et avec une mise en scène lourdingue, AVEC AMOUR ET ACHARNEMENT est une œuvre qui fait s’interroger sur l’endroit où le talent de Claire Denis a disparu. On peut parler de catastrophes industrielles tant STARS AT NOON et AVEC AMOUR ET ACHARNEMENT sont des désastres. Si Lindon et Binoche sont fidèles à eux-mêmes et font bonne figure, on se demande tout de même comment ils ont pu se laisser embarquer dans tel naufrage.
Avec IL BOEMO, le tchèque Petr Vaclav s’est intéressé à une figure marquante de son pays, le compositeur Josef Mysliveček. Ce compositeur du XVIIIe siècle connu une carrière des plus prolifiques et son influence fut immense. Alors que Mysliveček était le favori de la cour napolitaine, il a rencontré un jeune enfant, Wolfgang Amadeus Mozart qui s’est largement inspiré du maître tchèque. Certaines de ses œuvres furent d’ailleurs erronément attribuées à l’autrichien.
Ce que fait Vaclav avec cette histoire, c’est un biopic assez classique dans l’ensemble. Là où il se détache particulièrement, c’est dans les séquences (trop nombreuses et répétitives malheureusement) d’opéras. Il filme notamment les chanteurs en gros plans, permettant ainsi aux spectateurs d’apprécier ou découvrir le travail et l’exigence que requièrent l’opéra. Merci pour ce spectacle.
En compétition, place à RESTEN AF LIVET aka FOREVER, film danois de Frelle Petersen. Le film raconte l’histoire d’une famille qui doit faire face à une tragédie, bouleversant la vie de chacun. Il s’agit d’une réflexion sur la vie et la mort, la façon de gérer ses sentiments, ses émotions. Petersen a le don d’écrire des situations dramatiques sans y mettre trop de lourdeur. L’évolution des personnages peut sembler faire du surplace et pourtant, c’est dans ses subtilités que le film prend sens et finit par toucher.
Last but not least, voici enfin le très attendu DON’T WORRY DARLING d’Olivia Wilde. Après le magnifique BOOKSMART, Wilde était attendue au tournant pour son second long-métrage en tant que réalisatrice. Il est question d’une communauté vivant dans le désert dans les années 50 dont les hommes travaillent sur un projet mystérieux. Leurs épouses n’en savent pas grand-chose et mieux vaut ne pas poser trop de questions. Tout semble parfait. Les maisons pavillonnaires, les voitures, les activités, les soirées. Trop parfait peut-être ?
Le teen movie, Olivia Wilde gère mais qu’en est-il du thriller psychologique ? C’est banco aussi ! Wilde s’affaire avec brio dans ce genre compliqué dont elle a bien saisi les codes. Elle parvient à créer une ambiance mystérieuse de plus en plus malsaine. Visuellement, c’est assez magnifique. Côté tension, c’est réussi également… jusqu’à la révélation finale qui laisse un peu pantois et vient plomber quelque peu ce qui a été mis en place précédemment. Autre point un peu raté également (mais pas complètement) : le casting. Si Florence Pugh démontre une fois encore toute l’étendue de son talent (et on sent que son personnage de MIDSOMMAR n’est pas très loin), c’est loin d’être le cas de Harry Styles. Malheureusement, il ne convainc jamais vraiment et, pire, il tombe parfois dans le risible lorsqu’il tente d’imiter quelques mimiques utilisées par sa partenaire de jeu.
DON’T WORRY DARLING n’en reste pas moins une jolie réussite pour autant et confirme qu’Olivia Wilde, en plus d’être une actrice renommée, a une brillante carrière de réalisatrice devant elle.