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Parole aux exploitants – Le Nova

par Kévin Giraud

Propos recueillis par Kévin Giraud

À bonne distance et avec toutes les mesures nécessaires, nous avons eu la chance de rencontrer Guillaume Maupin et Nicolas Bras, membres du comité de programmation du cinéma Nova. Avec eux, tranquillement assis dans l’unique salle de ce cinéma hier « underground » devenu aujourd’hui incontournable temple du 7e art en Belgique, nous revenons sur la genèse du projet, son ADN, et sur les nombreuses légendes qui accompagnent ce lieu et son histoire.

Kévin Giraud : Est-ce que vous pouvez revenir sur la naissance et l’histoire du Cinéma Nova ?

Guillaume Maupin : Aucun de nous deux n’était là à ses débuts.

Nicolas Bras : J’avais 11 ans, tu en avais 15 je pense…

G.M. : Mais non, j’étais plus vieux que ça voyons !

N.B. : Oui, du coup on connaît un peu l’histoire mais Guillaume la décrira mieux que moi.

G.M. : Aucun de nous deux n’étions là à ses débuts, on devait avoir 11 et 18 ans à l’époque, à peu de choses près. Le projet du Nova est né de plusieurs associations bruxelloises qui proposaient déjà des projections sauvages un peu partout dans Bruxelles : dans des squats, dans des arrière-salles de café, en plein air. Dès qu’un lieu pouvait être investi, les porteurs du projet lançaient une projection. On était dans ce Bruxelles fin des années 90 un peu délabré, les Halles Saint-Géry n’étaient pas encore restaurées, le centre-ville était dévasté, c’est un climat propice.

Malgré tout, le projet d’un cinéma « en dur » était déjà dans les tuyaux. De nombreux lieux ont été visités, souvent des anciens cinémas. Parmi la centaine qui existaient à Bruxelles, il n’y en avait déjà plus qu’une petite vingtaine en activité dans les années 90. Des cinémas vides, on en comptait par dizaines. C’est finalement l’ancien Studio Arenberg, un cinéma d’Art & essai à deux salles, qui a été choisi. 

N.B. : C’était même une salle de spectacle avant d’être un cinéma, avec une fosse à orchestre, sur laquelle nous nous trouvons actuellement. Ça explique pourquoi au Nova les premiers sièges – qui viennent d’un autre cinéma appelé Nova – sont si loin de l’écran, et cela nous permet aussi d’organiser plus facilement des ciné-concerts et d’autres événements musicaux. L’un des autres éléments qui ont poussé les fondateurs du projet à choisir cet emplacement, c’est son côté central au cœur de Bruxelles. Le projet suffisamment spécifique en terme de curiosités cinématographiques pour nécessiter un accès facile. Non seulement aux bruxellois du centre, mais aussi au reste de la capitale, d’autant que les transports en commun n’étaient pas ceux d’aujourd’hui. Enfin, l’espace en lui-même était intéressant. Le bâtiment appartenait à la KBC, ils ont fait fermé le studio Arenberg pour agrandir leurs locaux, mais finalement le projet a été déplacé, et le local est passé à l’abandon. 

G.M. : Oui, c’était un dépôt de meubles, y en avait du sol au plafond. Les associations des fondateurs ont visité cet endroit, ça leur a plu et ils ont discuté avec KBC. Le Beursschouwburg, qui était à l’époque LE centre culturel du centre-ville où tout le monde se réunissait a aussi soutenu le projet, et des politiques sont également intervenus. Un cinéma d’urgence a été ouvert, qui devait durer un an ou deux au maximum. C’est de là que vient le nom Nova, ça devait être un lieu qui rayonnait de manière très forte pendant un temps, puis disparaître dans l’espace.

N.B. : D’après ma version de la légende, le projet a été monté en seulement trois mois, donc ça a été très vite. Aujourd’hui, certains des fondateurs qui sont toujours là. La durée de vie devait être d’un an ou deux, on en est à 23 ans maintenant et on est toujours là.

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K.G. : Vous vous décrivez comme un cinéma avec une approche « non-conventionnelle ». Qu’est-ce que cela signifie, et cela influe-t-il sur la programmation ?

G.M. : Au-delà du non conventionnel, on se définit aussi comme cinéma vivant, même si ça ne fait pas très beau. Le Nova, c’est un cinéma où on vit, où on regarde des films, on boit des coups en bas, on répare des trucs dans la salle. C’est un cinéma où il y a tout le temps de l’activité.

Non conventionnel, on le dit parce que le but original du Nova, c’était de montrer des films qui n’avaient pas d’écran à Bruxelles. C’est un cinéma où il ne faut pas se demander combien de gens vont venir. Nous projetons des films qui ne passeraient pas la barre commerciale, ni la barre « conventionnelle » parce qu’il y a plein de freins autres que l’argent pour la diffusion des films, et qu’il y a aussi beaucoup d’écrans à Bruxelles, et de nombreuses sorties, bref souvent ça finit en embouteillage. Dès le départ, il y avait également l’idée d’apporter une plus-value aux films avec des interventions vivantes, des ciné-concerts, des expérimentations. On voulait pouvoir montrer ce qui ne se montrait pas ailleurs, ce qui n’était pas distribué On peut appeler ça aussi « underground » si on veut, parce que c’était dans les années 90.

N.B.  : C’est un peu passé de mode cette appellation…

G.M. : Après, c’est aussi avoir un autre regard sur le cinéma. Ça ne veut pas dire qu’on peut pas passer un Buster Keaton ou un Paul Verhoeven, mais on va le mettre dans un autre type de contexte.

Aujourd’hui ça paraît évident, mais le cinéma de genre n’avait plus trop sa place à l’époque. Les cinémas de quartier avaient disparu, c’était le début des grands multiplexes. Donc il n’y avait plus de cinéma de genre et académiquement le cinéma de genre n’était pas du tout considéré. Maintenant on parle de Tarantino, aujourd’hui n’importe quel étudiant de cinéma a vu Massacre à la tronçonneuse, mais en 1992 je pense que c’était pas le cas. Y avait aussi tout ce truc-là : parler d’un autre cinéma et le confronter à autre chose. Personne au Nova n’est contre le cinéma « classique » mais il y a une volonté de présenter autre chose. Par exemple, on évite de préciser lorsqu’on parle d’un film que c’est un documentaire ou une fiction, on approche le cinéma de manière différente.

N.B. : On se retrouve encore aujourd’hui à explorer les interstices du cinéma. Aujourd’hui, voir du cinéma de genre ou du documentaire sur grand écran n’est plus rare, et on en projette toujours au Nova, mais on essaie d’aller gratter plus loin. Notre position se situe un peu entre la Cinémathèque et l’exploitation du cinéma Art & Essai. On est aussi exploitant, on travaille avec des distributeurs, mais nous sommes surtout nous-même à l’initiative des projections. Le travail de recherche des films est très important au Nova, et de nombreux films que nous passons viennent soit directement des réalisateurs, distributeurs ou producteurs, soit de nos propres découvertes et redécouvertes. 

C’est une spécificité bruxelloise, mais même au niveau européen, c’est très particulier. Il y a d’autres cinémas non-conventionnels en Europe, avec lesquels on a créé un réseau depuis 10 ans, mais aucun n’est le clone de l’autre. Chacun est ancré dans la ville où il est, chacun est le résultat de ce qu’il se passe, des opportunités et des moments qui se sont présentés. À chaque fois, ce sont des démarches et dynamiques spécifiques qui se répondent sans forcément se ressembler. 

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K.G. : Le cinéma est aussi vivant par son équipe. est-ce que chacun s’implique dans la vie du cinéma, dans la programmation ?

G.M. : Là aussi il y a plusieurs périodes. Au début le cinéma était ouvert 7 jours sur 7, puis après quelques années le cinéma n’a ouvert que du jeudi au dimanche. Maintenant, la programmation se construit par cycles entre 4 et 10 semaines, en fonction des rythmes choisis.

On est ouvert 35 semaines par an, à peu près. L’été soit on est fermé, soit il y a le PleinOpenAir, soit des programmations dans la salle un peu plus spécifiques.

Pendant longtemps, la programmation se faisait mensuellement lors d’une réunion ouverte. Depuis dix ans maintenant je pense, c’est un comité de programmation qui se réunit et auquel peuvent assister les gens impliqués dans la vie du cinéma. L’accès est un peu moins libre, on demande tout de même un minimum d’implication et de connaissance du cinéma avant d’accepter les nouvelles candidatures, mais on accepte aussi régulièrement des propositions extérieures au comité. On se base sur ce qu’on reçoit des mini distributeurs, ou des réalisateurs eux-mêmes, ou encore de ce qu’on a vu en festival, ou ce qu’on nous a proposé. 

N.B. : Ou encore des films qui sortent en France, mais pas en Belgique. Donc on peut aussi jouer ce rôle-là. Selon les thématiques et les cycles de programmation, le comité évolue, et chacun peut soumettre ses propositions.

G.M. : Tout est collectif ici, il n’y a pas de chef, pas de hiérarchie, mais y a plusieurs instances, un noyau dur : le comité de programmation, le conseil d’administration qui rassemble les membres de l’ASBL, et puis des personnes extérieures. Il y a une réunion hebdomadaire où tous les gens du Nova sont conviés, qui est plus logistique et technique. Puis il y a les réunions de projection. Et des réunions spécifiques aux programmations qui se mettent en place. 

Aujourd’hui au Nova, on accueille et on contribue à quelques festivals mais l’idée du Nova était d’être un contre-festival, ou un festival permanent. Le but était de dire que le cinéma ne doit  pas forcément être dans l’événementiel ou le festif. Il devait être accessible à des gens qui n’étaient pas des festivaliers et pouvant aller de temps en temps au cinéma, sans ne faire que ça de leur vie.

N.B. : La dynamique de projection se place entre les festivals, et l’exploitation classique. Parfois on a des films qui ne passent qu’une seule fois, parfois on peut programmer cinq fois le même film, mais sur un mois et demi. Le concret du Nova c’est qu’il y a plein d’événements sur l’année donc forcément tu vas en manquer. Du coup c’est ce côté-là qui fait du Nova un « anti-festival », mais aussi un festival qui s’étend.

G.M. : On essaie toujours d’inviter les réalisateurs ou des gens qui sont capables de parler du film. Je préfère ne pas parler de ciné-débat ou ciné-club, mais c’est dans l’idée vu que ça s’inspire de ces traditions-là, des années 60 et 70. C’est aussi pour ça qu’on a ce bar ici en bas, pour avoir un accueil différent des gens et pour aller au-delà de la projection.

N.B. : Un exemple parmi d’autres, quand j’ai commencé à vraiment m’investir ici, nous avons accueilli Miguel Gomes, le réalisateur de Tabu. Le comité de programmation connaissait déjà bien Miguel Gomes depuis des années, avait montré ses films, etc. Donc il est venu personnellement au Nova et a pu montrer son film. C’était un homme super abordable, et c’était très facile d’aller lui parler au bar après le film, les spectateurs pouvaient vraiment discuter avec lui. Il n’y avait pas de carré VIP, pas de barrières entre l’invité et les spectateurs. Le dialogue s’est poursuivi après la présentation et après la séance, le bar joue un rôle fondamental chez nous. 

G.M. : C’est certain. Les gens qui viennent voir un film au Nova, ils ne vont pas boire un verre ailleurs après le film. Souvent ils passent la soirée ici au bar, parfois très tard, parfois même très tôt tellement c’est tard. Par rapport à Tabu, c’est toute une histoire. On n’avait jamais rencontré Miguel mais on avait déjà passé Ce cher mois d’août, son film précédent. Quand Tabu est arrivé, un distributeur belge avait déjà acheté le film, mais on a insisté pour qu’il sorte d’abord chez nous. On a invité Gomes, on a passé tous ces films et fait tout une programmation autour de son œuvre. On avait invité sa co-scénariste, son chef déco, ses musiciens, d’autres musiciens portugais qu’on connaissait, bref c’était un gros événement. Pour l’anecdote, les murs du bar étaient encore couverts de vieilles télés à l’époque, et on passait Le Fleuve de Renoir, qui est le film préféré de Miguel Gomes. À chaque fois qu’il allait boire un coup, il pouvait mater des extraits de son film préféré. C’était un sacré événement. 

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K.G. : On l’a dit, vous avez été organisateur et vous participez à pas mal de festivals. Est-ce que vous pouvez nous en dire plus ?

N.B.  : Dans la dynamique générale de programmation, on a plein de collaborations. La plus évidente c’est avec l’ASBL Gens d’à côté pour le Pink Screen, puis le Filem’On et enfin l’Offscreen. Ça c’est pour les plus ancrés sur lesquels on pourra revenir. Mais au quotidien, on essaie de toute façon de trouver des collaborations avec des associations, ou des intervenants externes. On travaille avec Point Culture, le Goethe Institut, on a pu travailler avec le GSARA, le CVB ou le Ptit Ciné aussi pour notre cycle Cartographie et Territoire, on travaille souvent avec le ciné-club de l’INSAS, c’est très varié donc. Et puis également d’autres personnes pas forcément investies dans le milieu du cinéma belge, mais qui travaillent dans des associations alternatives ou culturelles, ou juste dans l’associatif en général. Par exemple dans la programmation A la folie, en lien avec la psychiatrie et sa représentation à l’écran, il n’y avait que deux personnes du Nova, mais il y avait des gens qui travaillent pour les associations L’Autre Lieu, ou Art et Marge. Ça bouge tout le temps. 

G.M. : Pour revenir à Pink Screens organisé par l’ASBL Gens d’à côté, aujourd’hui on ne s’occupe plus directement de la programmation mais le projet est lié au Nova depuis ses origines. Les gens pourraient croire qu’en 1997 les trucs LGBTQ+ n’existaient pas encore, mais c’est faux. Il se passait déjà des choses. Avec Pink Screens, il y a eu vraiment une volonté plus politique, plus queer et plus underground. Une volonté d’aborder toutes ces questions sans prendre des pincettes, et le Nova s’y prêtait de manière évidente.

Offscreen, c’était au départ le Septième parallèle qui était une section du BIFFF (Brussels International Fantastic Film Festival) qui avait encore lieu au Passage 44, près du Botanique. Pour eux, c’était bien d’avoir une autre salle pas loin. Au-delà de la programmation du festival, ils passaient aussi des choses plus obscures, plus difficiles, ils faisaient des rétrospectives. Ça a commencé au Nova, et puis c’est devenu le Offscreen. Tout ça, ce sont des festivals qui auraient pas pu naître ailleurs. Le lieu s’y prêtaît et s’y prête toujours. C’est pareil d’ailleurs quand on organise des performances, quand on projette sur les murs avec la musique à fond. Ça ne donnerait pas la même chose dans un cinéma tout propre.

Pour ce qui est du Plein OpenAir, c’est pas vraiment un festival, c’est plutôt un moment de projections en plein air. Il a ses constances, mais il est aussi à chaque fois très différent car les lieux et les comités d’organisation changent.

N.B. : Tout à fait, c’est très différent parce que là c’est une émanation de l’équipe du Nova avant tout. Les collaborations vont se faire, ne serait-ce qu’avec des associations de quartier, par rapport au lieu. Et c’est aussi par là que beaucoup de gens rentrent dans la constellation du Nova. Ça s’est un peu perdu ces dernières années car c’est devenu plus lourd, plus contraignant à organiser, les espaces sont de moins en moins libres à Bruxelles. On est pas là pour faire de l’animation, ça ne nous intéresse pas un espace tout propre pour occuper les foules, il y a déjà de nombreux autres événements qui le font et on a pas vraiment notre place là-dedans. Se pose alors la question de savoir où l’on va, et comment on se place par rapport à la vie urbaine à Bruxelles. 

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K.G. : Est-ce qu’avec la dynamique des comités de quartier qui est en train de se mettre en place dans Bruxelles, c’est une piste à examiner ?

G.M. : C’est ce qu’on a fait cet été, à un niveau plus micro. On était en salles ou à l’extérieur, avec des associations de quartier. Du côté du Magasin 4 par exemple, ou au Barlok qui a fermé depuis. Ça faisait sens pour nous de projeter dans ces endroits, on avait des choses à dire en commun. 

N.B. : On a projeté dans des squats aussi. La dynamique des squats reste très active. Ce qui est sûr c’est qu’aujourd’hui, il y a des groupes de squatteurs qui sont vraiment au courant des lois et des détails et donc savent comment s’agencer, combien de gens ils peuvent accueillir ou non, comment les accueillir, etc. Ça permet aussi de prolonger cette discussion sur la vie en ville et sur ce qu’est l’urbanisme et ce que nous on peut apporter en tant qu’écran et association.

Face à ces enjeux, on s’adapte aussi et on se les réapproprient. Ce n’est pas une adaptation passive, on cherche à rester actif à ce niveau-là.

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K.G. : Et au niveau des dynamiques qui changent, tout à l’heure vous parliez du réseau européen que vous avez créé avec le Nova et d’autres cinémas « non conventionnels », est-ce que ce sont des dynamiques de programmation ou des dynamiques de partenariat ?

G.M. : Avec le Nova, nous avons co-organisé une rencontre avec le festival de Rotterdam, en contactant tous les lieux qui avaient une liberté totale de programmation. Un nombre très restreint de cinémas, au final. Nous avons réuni 80 invités au Festival de Rotterdam 2010, et avons débattu de la pérennité des cinémas alternatifs. De cette rencontre est né un réseau pour rester en contact, avec des réunions annuelles ou bisannuelles.  Ça nous permet de rester en contact, de se visiter les uns les autres, de voir comment chacun fonctionne. Chacun se réinvente. En fonction du pays et de la ville où ils sont, chaque cinéma est différent. Niveau programmation, on essaie de faire des trucs ensemble, mais c’est très difficile parce qu’on est vraiment fort différents.

N.B. : Cela dit, on arrive quand même à organiser des choses en commun, notamment quand il y a des enjeux financiers, et qu’on peut répartir les coûts par exemple. On a eu le cas de ce réalisateur québécois qu’on voulait inviter, et qu’on a pu inviter en répartissant la charge avec 6-7 lieux en Europe qui ont été prêts à l’inviter aussi. Ce réseau peut être une force. 

Aujourd’hui c’est moins le cas, mais avant les cinémathèques fonctionnaient de la même façon. Quand il fallait programmer des films américains dans les cinémathèques en Europe, on programmait dans plusieurs villes pour diviser les frais, et les bobines circulaient entre Paris, Bruxelles, Lausanne…

On s’est revus début de cette année pour célébrer les dix ans de la fondation du réseau, à Rotterdam de nouveau, et cela a été à nouveau l’occasion de rencontrer d’autres modèles. La Clef à Paris, eux sont en pleine recherche d’un système de fonctionnement, et cette rencontre a pu leur donner de nombreuses idées pour envisager une installation pérenne. Il y a quelque chose qui se passe en terme de transmission. D’une part on n’est pas un cinéma qui fonctionne comme n’importe quel cinéma, gardons le terme « non conventionnel ». Et d’autre part on ne reste pas non plus enfermé sur nous-mêmes, on veut partager l’expérience qu’on a ici. On ne veut pas rester dans notre carcan. Il y a autant l’envie de montrer des films différents que cette envie de partager ce mode de fonctionnement.

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K.G. Ce modèle d’organisation, à quel point a-t-il été mis à mal avec le premier confinement et comment avez-vous garder des liens avec votre public?

G.M. : Pour la promo, tout passe par le programme papier chez nous. C’est une sorte de journal, dont nous écrivons nous-même tous les textes.On se dit que si on programme un film, on est capable d’en dire quelque chose. C’est pas une critique de film, mais un texte pour donner envie aux gens de venir, un truc fort. Quand le Nova n’existera plus, il restera tous ces programmes, comme une encyclopédie du cinéma alternatif. On se prend pas vraiment au sérieux dans ces rédactions, mais on se rend compte que c’est important quand même, pour la pérennité de ce type de cinéma. C’est notre outil principal, avec le site internet, où le programme est disponible en PDF. Le premier confinement, qui est tombé en plein Offscreen, nous a beaucoup touché. Et lors de la réouverture, nous n’avons pas pu faire de programme papier cet été. 

N.B. : On a un mode d’organisation où on se voit beaucoup, du coup le premier confinement était compliqué vu qu’on était tous chez nous avec seulement quelques passages au cinéma. On ne s’est pas vus, si ce n’est par internet. En plus, c’était un moment particulier car on était en phase de réflexion sur certains sujets, certaines façons de fonctionner qui étaient remises en question. 

Notre fonctionnement, et notre dynamique ont été altérés, et on est arrivé en juillet avec les difficultés et l’inconnu de la réouverture. Comme on n’est pas dans un mode de fonctionnement où les distributeurs nous filent des films et nous on les montre, mais bien dans un mode de recherche et de réorganisation à chaque fois, on passait notre temps à spéculer. On a été prévenus trois semaines avant la réouverture et là on s’est dit : on va faire des petits événements. On va faire un soir d’ouverture par semaine et les week-ends on partait un soir dans un autre endroit. Cela nous a permis d’explorer de nouveaux horizons.

Au-delà de ça, on devait discuter de nos outils internet, et forcément le sujet s’est imposé.

G.M. : C’est par notre newsletter, et via le site internet qu’on a repris contact avec le public lors de la réouverture. Mais comme les jauges étaient limitées, c’était difficile, est-ce qu’il fallait contacter plus de gens, ou justement éviter de dépasser la limite ? Finalement, on a dû repousser personne.

N.B. : Ce qu’on a constaté, c’est que les spectateurs du Nova étaient au rendez-vous lors de la réouverture. On a un public qui vient parce que c’est le Nova, parce qu’ils nous font confiance et aiment le lieu. De septembre à octobre, on avait une programmation assez difficile et très thématique, avec des films qui ne passaient qu’une seule fois et une jauge de seulement 100 spectateurs, au lieu de 200. Et malgré tout, on a eu beaucoup de séances à 70, 80, 90, voire 100 personnes, alors qu’en temps normal, quand on a une séance à 40 personnes, on appelle déjà ça une bonne séance. On a régulièrement des séances à 5-10 personnes en temps normal, mais là en septembre-octobre, les séances à moins de 15 spectateurs se comptent sur les doigts d’une main. Il y a vraiment eu du monde tout le temps par rapport à nos critères. Et là, on a dû refuser du monde.

Un des éléments qui nous a le plus frustré dans les mesures du gouvernement, hormis les changements multiples, c’était de devoir filtrer les spectateurs à l’entrée. Le bar, et le fait de venir boire un verre sans voir le film, c’est aussi un aspect clé du Nova et ça, on nous l’a interdit pour la réouverture. Ça, et bien sûr les changements de normes toutes les semaines, voire du jour au lendemain. Toute cette valse est insupportable.

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K.G. : Et maintenant avec cette nouvelle fermeture, comment est-ce que nous on peut vous soutenir ?

G.M. : Continuez à aller voir le site, et restez attentif et curieux à ce qu’il se passe.
N.B. : Il n’y a malheureusement pas grand-chose à faire. Le Nova au tout début c’était une lutte permanente et il n’y avait pas de reconnaissance et de subsides. Aujourd’hui on doit moins se démener que d’autres par exemple parce qu’on est subsidiés. On n’a pas cette urgence – à l’image de ce qu’a organisé le Vendôme et l’Aventure en vendant des cartes cinéma pour que l’argent rentre. La meilleure manière de nous soutenir c’est de revenir quand ce sera possible. On travaille sur tout un tas de projets sur la réouverture. On peut tenir très longtemps à discuter de toutes nos activités.

G.M. : Pour teaser un peu 2021, on espère que PinkScreen pourra avoir lieu en janvier 2021, avec tous les partenaires. Ils ont une bonne force de frappe, et on espère que la réouverture sera au rendez-vous.

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K.G. : Meilleur souvenir ou meilleure anecdote ?

N.B. : Il y en a tellement…

G.M. : Quand on parle de meilleurs souvenirs, je peux te parler d’histoires marquantes de programmation où tu cours dans tous les coins pour trouver un film, des droits, la copie et au final ça peut être terriblement frustrant et te retrouver face à un mur. Ou bien, L’été où on a enlevé les sièges. Les soirées dansantes dans la salle. Les perf’ incroyables. Les fêtes dans la cave qui finissent pas. Les moments où le Nova est fermé et qu’on discute des heures au bar.

N.B. : Les moments où tu quittes à 23h et tu reviens le lendemain parce que tu dois appeler le Japon. Du coup,  tu arrives à 8h du matin et ceux que tu as quitté la veille sont toujours là en train de boire leur bière et ils te regardent et te demandent « Qu’est-ce que tu fais là si tôt ? ».

Vous l’aurez compris, le Nova est un lieu propice aux légendes. Si vous souhaitez découvrir l’intégralité de l’interview, écoutez le podcast disponible ici !