7 heures du matin. Un sentiment de déjà-vu très présent. Est-ce que le site de la billetterie dématérialisée va être aussi capricieux qu’hier à la même heure? Réponse: pire.
4 films à réserver pour le 9 juillet et le système est en rade à 7h01. Pas moyen d’y accéder tant le serveur rame, c’est d’abord une erreur 503 (pour les connaisseurs) et pour finir on termine 1h43 plus tard avec une erreur 404. Un gars a dû se dire que le meilleur moyen de faire cesser le trafic sur le site était de supprimer tous les fichiers.
Résultats de ces 2 heures de rage, d’énervement et d’angoisse (oui, bon, il y a d’autres raisons de s’angoisser dans la vie, je suis d’accord): 2 films en attente de validation pour le 9 juillet: BENEDETTA de Paul Verhoeven, STILLWATER de Tom McCarthy, que du lourd!
Trèves de plaisanteries, dans l’attente j’ai eu le temps de prendre une douche, un déjeuner et de commencer à rager sur l’IT du Festival. Bientôt 9h30, le moment que j’ai choisi pour descendre de mon perchoir au-dessus de Cannes et partir pour la Croisette et le Palais. Pas pour voir un film. Non. Pandémie oblige. Pour faire un test salivaire nécessaire pour entrer dans les salles Bazin et Buñuel et dans le Palais des Festivals.
Descente cool en vélo. Je suis les recommandations du Festival en matière de consommation carbone. Et j’arrive vers 10h pour mon test. Et c’est probablement la section la mieux organisée du Festival. Pas d’attente, prise en charge charmante et rapide, directives claires: pas avoir bu (même de l’eau), fumer ou manger 30 minutes avant sinon le test n’est pas fiable. Je tente de cracher plus d’1 ml de salive dans le tube (c’est le minimum requis) et ce faisant je me souviens de ma dentiste qui me disait que je ne faisais pas assez de salive. Résultat: une vingtaine de crachats plus tard, je peux déposer mon petit pot dûment fermé à la sortie. Résultats pour dans au maximum 6 heures.
Juste le temps de me poser devant le Casino à côté du palais et je suis prêt pour ma première séance du Festival en salle Debussy (là pas besoin de pass sanitaire) pour le film REHANA MARYAM NOOR, un film en direct du Bengladesh (fait rarissime) dans la section un Certain Regard.
Le point de départ est simple, une interne en médecine dans un hôpital du Bengladesh est témoin indirect de l’agression d’une des élèves par son professeur et va tout mettre en oeuvre pour dénoncer cela. Filmé dans les tons bleus, dans un huis-clos principalement à l’hôpital, le film raconte le jusqu’au-boutisme d’une femme qui se bat dans un monde d’hommes où les femmes n’ont rien à dire. Il y a de la violence latente dans tout le film et le personnage principal, interprété magistralement par Azmeri Haque Badhon, est à la fois magnifique et détestable pour cette volonté inébranlable qui bouscule et détruit tout sur son passage. Un film à voir qui ne laisse pas indifférent!
Le temps de rattraper un des collègues de Cinopsis à la sortie de son test Covid pour aller manger un bout (on vous rassure, il n’y a pas qu’à Bruxelles que les restos ont augmenté leurs prix) et il est quasi l’heure de se mettre dans la file pour rentrer au GTL (Grand Théâtre Lumière) en passant par le tapis rouge pour voir le film israélien de Nadav Lapid, LE GENOU D’AHED. Entretemps, j’ai reçu à 15h13 le résultat de mon test salivaire (négatif pour ceux qui auraient des questions ou des craintes) et je peux donc désormais entrer dans le Palais, la salle Bazin et la salle Buñuel en toute quiétude.
Film éminemment politique, LE GENOU D’AHED suit un réalisateur israélien, Y., qui va présenter un de ses films dans une petite ville situé en Arava mais qui se heurte à une bibliothécaire dépendante du ministère de le culture qui entend bien lui faire signer un document l’interdisant de dire tout ce qu’il veut lors de la rencontre avec le public. Le film est un véritable cri de guerre contre une certaine politique menée par Israel qui tend à limiter la liberté de paroles. Poignant, surréaliste par moment, violent verbalement aussi, LE GENOU D’AHED est clairement une voix disruptive dans l’univers policé de l’état hébreux.
Sorti du GTL par le Palais, je demande à une hôtesse si je ne peux pas rester vu que j’ai mon pass sanitaire et que je veux me rendre à la terrasse des journalistes en haut du palais. Réponse charmante et précise: non monsieur, vous devez sortir du palais et rentrer ensuite. Difficile de comprendre vu que la fouille de mon sac a déjà été faite et que j’ai le pass sanitaire pour le contrôle. Ce sera encore plus difficile à comprendre lorsque je rentre à nouveau dans le Palais, que l’on regarde mon QR code sans le scanner et que je rentre sans difficulté à nouveau dans le Palais. Si je puis me permettre une amélioration du flux s’impose et cela évitera des contacts inutiles dans la transmission possible du virus.
J’ai un peu de temps pour écrire, je monte donc à la terrasse et m’installe sous un soleil de plomb pour une petite demi-heure.
Vers 18h40, je me rends salle Bazin pour voir le nouvel Ozon, TOUT S’EST BIEN PASSE avec André Dussollier, Sophie Marceau, Géraldine Pailhas et Charlotte Rampling. Un beau casting pour un film sur le droit à l’euthanasie à l’humour noir et cynique. Un film très sobre sans pathos qui aborde de front avec l’humour du désespoir des sujets profonds et interpellants.
Sortie de salle vers 21h, le temps de prendre une crêpe et de flâner le long des yachts du port avant de faire la file pour JANE PAR CHARLOTTE, le documentaire de Charlotte Gainsbourg sur sa maman Jane Birkin. Et oui, vous avez bien lu: la file. A priori lorsque l’on se dit qu’il y a des billets dématérialisés, la file ne devrait plus exister. Sauf si, comme Cannes, vous mettez dans la séance de 19h15 un film (ONODA, dont nous reparlerons) qui dure 2h46 avec présentation de l’équipe avant (on se croirait au BIFFF!).
Donc file durant plus d’1h et rentrée dans la salle Debussy à 23h au lieu de 22h30.
JANE PAR CHARLOTTE est un documentaire très touchant dans lequel Charlotte observe, grâce à la caméra, sa maman comme elle n’a jamais pu le faire. Et si le film touche à l’intime bien souvent, c’est toujours avec l’immense pudeur de Charlotte. On sort du documentaire en ayant l’impression de faire partie de la famille et l’on est également séduit par la mise en images de Charlotte Gainsbourg qui fait preuve pour ce premier film d’une touche personnelle à suivre…
C’est vers minuit trente que je reprends mon vélo pour rentrer dans mes pénates. 25 minutes de pédalage sont les bienvenus pour digérer cette première excellente journée de films à Cannes.
Et demain, le 8 juillet, le soleil se lèvera sur Cannes à 5h59 pour nous arroser à une température ressentie de 34 degrés.