16 mai. Après une longue nuit (presque 7h) selon les critères cannois en vogue pour la presse, il est temps de se préparer pour la conférence de presse de LES MISERABLES, très attendue après le bon retour critique du film.
En avance pour la conférence (plus ou moins 45 minutes), je me retrouve presque seul dans la salle! Totalement surprenant par rapport au bouche à oreilles positif. Il faudra attendre 5 minutes avant l’arrivée de l’équipe pour que la salle soit enfin presque pleine.

L’équipe arrive un peu en retard au grand complet. Interprètes adultes, enfants, scénaristes et producteurs sont de la partie. Visiblement Ladj Ly sait réunir sa famille de cinéma autour de lui.

Les questions arrivent petit à petit et l’on comprend très vite que la thématique du film de Ladj Ly, c’est aussi sa vie dans la banlieue depuis 38 ans. Il y a plus de 10 ans qu’il est sur ce projet qui a d’abord été un court métrage puis ce long. Mais c’est surtout son implication dans la banlieue du 93 (le neuf trois) qui est remarquable. Son court était né de son habitude à filmer les flics qui débarquaient dans la cité jusqu’au jour où il a filmé une bavure policière. A l’entendre, il a de quoi alimenter des documentaires sur la banlieue pendant plusieurs années. Et il crie haut et fort son indignation face à l’abandon des banlieues par les politiques.
Mais son implication ne s’arrête pas là: il a carrément créer une école de cinéma gratuite dans la banlieue de Montfermeil pour sortir la banlieue du ghetto dans lequel l’enferment les pouvoirs publics et politiques. Il a d’ailleurs lancé un appel pour des fonds car son école en a besoin pour fonctionner et poursuivre son extension dans d’autres pays et d’autres banlieues. Il va sans dire que c’est un homme intéressant qui va jusqu’au bout de ses idées.
En parlant d’aller au bout de ses idées, il a proposé à Emmanuel Macron de faire une projection privée de son film à l’Elysée. Curieux de voir la réponse (si il y en une) de Macron…

Au sortir de la conférence, il reste un peu de temps avant le prochain film pour faire ce qu’un journaliste fait de mieux: écrire quelques critiques mais aussi la chronique journalière. La terrasse dédiée à la presse est le top en matière de soleil et d’écriture. On est soigné aux petits oignons avec boissons gratuites, wifi, parasols, tables et surtout soleil (bon d’accord pour le dernier les organisateurs n’y sont pour rien!).
13h30 et il est temps de se diriger lentement mais sûrement à la vision en salle Debussy de LES HIRONDELLES DE KABOUL, film d’animation adapté du livre de Yasmina Khadra par Zabou Breitman et Eléa Gobbé-Mévellec.

Sujet bien évidemment tout à fait d’actualité même si cela fait déjà partie de l’Histoire: le film aborde le joug des Talibans à Kaboul au travers d’une très belle histoire d’amour. L’animation fait surtout la part belle au graphisme et aux splendides couleurs pastels pour laisser toute la place à l’émotion dégagée par le récit. LES HIRONDELLES DE KABOUL est un film à proposer dans les écoles en espérant que l’on fasse tout pour éviter ce type d’extrémisme dans le monde.
Sorti de la salle vers 15h45, il ne me reste pas beaucoup d’opportunités au niveau timing pour aller voir ATLANTIQUE, premier film de Mati Diop, nièce du cinéaste Djibril Diop Mambety. Premier film pour elle et premier flop pour moi puisque la file est trop longue et je ne parviens pas à rentrer dans la salle Bazin tandis que mes collocs rentrent eux dans la salle du GTL (Grand Théâtre Lumière) qui projette le même film quinze minutes avant.
Pas de chance donc, mais à Cannes la malchance se transforme toujours sous forme d’une vision d’un autre film. Cette fois-ci s’était dans le cadre de la sélection Cannes Classique, avec 125 RUE MONTMARTRE, un polar de 1959 de Gilles Grangier avec Lino Ventura et Robert Hirsch, film que je n’avais jamais vu et qui était présenté ici dans sa forme restaurée par Pathé. Du très beau travail pour un polar réussi avec un Lino qui commençait à l’époque à étendre son jeu d’acteur.
Retour ensuite à notre appartement bien aimé pour une autre critique à faire rapidement avant d’aller voir le nouveau Ken Loach, SORRY WE MISSED YOU.

Ken Loach est réputé pour son indignation sociale mais aussi pour arriver à glisser un certain humour (celui du désespoir) dans ses films. Avec le récit de cette famille qui subit une véritable descente aux enfers sous la pression insoutenable du travail, le réalisateur britannique franchit un nouveau cap dans sa filmographie. Désormais, il est tellement furieux et désespéré qu’il ne semble plus avoir la force d’en rire. Du coup, il tire le drame jusqu’à l’extrême entrainant le spectateur dans une descente aux enfers réaliste. Les effets pervers d’entraînement de la course à la rentabilité sont détaillés avec minutie et entraîne les personnages de déboires en déboires…
On sort de la salle après minuit plutôt démoralisé et assez persuadé que le palmarès ne sera pas clément envers Ken Loach, mais rien n’est jamais certain à Cannes.
Demain le soleil ne se lèvera pas sur Cannes mais bien les nuages…