Celui qui a fait renaître Léon Morin
A l’occasion de la sortie de LA CONFESSION, nouvelle adaptation de LEON MORIN, PERTRE de Beatrix Beck, nous avons rencontré son réalisateur, Nicolas Boukhrief, à qui l’on doit MADE IN FRANCE. Changement de registre total avec LA CONFESSION.
Il a le livre, il y a eu deux films. Que vouliez-vous apporter de neuf ou différent à cette histoire ?
Plusieurs choses. Tout d’abord, adapter un livre, si on trouve l’histoire magnifique, on a forcément envie d’apporter sa propre vision. Beaucoup de gens me parlent du film de Melville mais, c’est parce qu’il a occulté le livre. Si je faisais Madame Bovary, personne ne me parlerait de Chabrol ou Renoir. Si je faisais L’idiot, personne ne me parlerait de Georges Lampin ou de Kurosawa. J’ai lu ce livre, je l’ai trouvé sublime, que l’histoire d’amour est incroyable et qu’il y avait tous les paramètres pour faire un vrai pur mélodrame. Des êtres que tout oppose vont vivre une histoire éphémère et passionnée dans un contexte historique précis. Ce sont ceux d’Autant en emporte le vent. C’est l’éternel du grand romantisme. Je suis plutôt surpris qu’il n’ait pas été plus souvent adapté. Ca c’est la première chose. Après, plus précisément, et le livre, et le film de Melville que je n’ai pas revu une fois que j’ai commencé à écrire, le souvenir que j’en avais, c’est que c’était surtout un portrait d’homme. Léon Morin, prêtre. Comme Beatrix Beck l’a écrit à la première personne, c’est elle racontant ce prêtre. J’ai beaucoup plus eu envie de faire un portrait de femme qui rencontre un homme, avec lequel il y aura cet échange. Ce sont des axes totalement différents. Derrière ça, l’adaptation de Melville était très fidèle, à la virgule près. Il n’a pas écrit un mot des dialogues. Moi, c’est librement adapté. J’ai enlevé des personnages, j’en ai ajouté d’autres. J’ai tout étalé sur quelques mois là où ça se passe en six ans, j’ai changé la nature du personnage féminin qui était veuve, ici elle est mariée. Je me suis très librement servi de cette histoire pour l’adapter. Et il fallait l’actualiser aussi. Les contraintes techniques permettent plus de choses qu’à l’époque aussi comme les couvres-feu par exemple qui n’auraient pas été possibles en pellicule. Ce sont tant d’éléments qui m’ont fait dire qu’il y avait matière à refaire ce film aujourd’hui, d’une façon différente, moderne. En plus, ce sont deux rôles incroyables. Vous changez les acteurs, vous changez le film. C’est comme au théâtre. On peut jouer Don Juan tous les six mois du moment qu’on change le rôle. Là c’est la même chose. A partir du moment où vous changez le père Morin et Barny, ça devient un nouveau film.
Cet aspect « remake » ne vous a jamais effrayé ? Jamais donné de contraintes ?
Non car on n’a jamais demandé les droits. J’ai vraiment abordé ça comme si je faisais Madame Bovary. J’ai juste demandé aux acteurs de ne pas regarder le film de Melville. (Il se tourne vers Marine Vacth) Je ne sais pas si tu l’as regardé au final). C’était pour ne pas s’en embarrasser. C’est marrant car je trouve ça un peu injuste pour Beatrix Beck. C’est elle qui a vécu cette histoire, c’est elle qui a écrit ce livre. Le roman a eu un succès phénoménal, elle a eu le prix Goncourt et, aujourd’hui, on continue à me dire, « Mais remake, Melville ». L’autre jour, je revoyais Psychose d’Hitchcock et tout le monde dit « Quel génie d’avoir tué l’héroïne au bout de 45 minutes ». C’est injuste. C’est Robert Block qui a eu cette idée. Dans le livre, elle meurt à la page 80. C’est à l’auteur qu’on le doit. Personne ne lui donne le crédit. Melville a lu le livre, l’a adapté et en a fait un très beau film. Donc ça ne m’a jamais posé de problème. Ca n’en pose qu’aux journalistes en fait, qui sont obsédés par cette idée de remake.
Il y a un aspect plus qu’un autre qui vous a attiré ? La confrontation entre deux idéologies ?
Comme je le disais tout à l’heure, il y a tous les éléments pour faire un mélodrame flamboyant. En plus, de pouvoir s’exprimer soi-même sur tout ça, sur ce qu’on pense du « gros tout ». J’ai déjà fait des films d’action. L’action en soi ne m’intéresse pas. Ca m’intéresse comme expression d’un caractère. Filmer un flingue, c’est très ennuyeux. Filmer un acteur qui joue un personnage qui va tuer quelqu’un, c’est très intéressant. J’aime faire des films pour des acteurs. Là c’est une matière incroyable. Voir ces acteurs portés par des rôles et transcendés c’est beau.
Vous abordez un film d’action de la même façon que celui-ci ou, parce que les films sont différents, vous les abordez différemment avec une sensibilité différente ?
Oui, je les aborde de la même façon. C’est à dire : « Comment les caractères font évoluer l’histoire. » Que ça soient des terroristes ou une jeune femme communiste. Quand j’écris, je le fais à partir du caractère. Il n’est pas otage d’une vision. J’ai des amis qui commencent par ça. Mon ami Christophe Gans commence par ça. Il a une grande vision, il voit des armées de soldats etc puis il rétrécit son champs d’action. Je fais l’inverse en commençant toujours par le caractère. Le reste suit.