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Interview de Roberto Ando (Le Confessioni)

par Thibault van de Werve
Publié: Dernière mise à jour le

Rencontre avec celui qui offre de beaux rôles à Toni Servillo

A l’occasion de la sortie belge de Le Confessioni (le film devrait sortir en France en 2017 après avoir connu quelques soucis de distribution), le nouveau film de Roberto Ando, nous avons eu l’occasion de rencontrer ce dernier.

Dans Viva La Liberta, ce n’était pas le sujet principal mais cette dimension était présente. Ici, on retrouve plus fortement le sujet. Quel est l’intérêt que vous portez à la politique ?

Oui. Ce qui m’intéresse c’est son évolution. Je suis intéressé par sa faiblesse et c’est ça qui donne envie de raconter des histoires autour des hommes politiques. Ici, ce sont plutôt des économistes qui sont appelés par la politique à faire leur travail. L’économie est aussi quelque chose de bien étrange, une sorte de théologie. En même temps, il y a le même problème, celui d’illusion. Ce sont des jouets de prestige. C’est comme l’homme suspendu qu’on voit au début du film. On voit qu’il y a un truc mais on ne comprend pas où il se cache.

Le film joue avec plusieurs genres et thématiques. Qu’elle en était la base ?

Je pense que ce n’est pas politique mais il le devient. L’idée c’était d’avoir ce groupe d’hommes de pouvoir qui se trouvent face à quelque chose, quelqu’un qui ne peut pas être mis en équation. De l’autre côté, il y a le suicide de l’un d’entre eux. Sans doute le plus important. Oui, c’est politique mais c’est surtout lié aux grandes questions de la vie, de la mort, dans lesquelles on trouve une part du film.

Comment avez-vous géré le mélange des genre entre le thriller, la politique et l’aspect théologique ?

Je pense que le thriller c’est lié à l’idée du fond du film. Je présente une société d’hommes politiques comme des joueurs. A la fin, la solution du thriller, c’est lié à cette idée. Cette équation que Roché présente, c’est une coquille vide. Le jeu s’écarte avec l’idée reçue par Roché. C’est un thriller un peu particulier lié à la dramaturgie du film. C’est un jeu de langages différents qui se joue entre le moine et les hommes politiques. Ils habitent la parole, la parole médiatique. Elle ne représente rien. Le moine habite le silence. Au moment lors duquel Roché est mort et qu’on comprend qu’il y a un enregistreur, on suppose que le suspect puisse avoir enregistré la conversation. C’est inadmissible pour eux que quelqu’un doive se confesser pour avoir la solution. Ce qui est intéressant pour moi, c’est le fait que le silence devient le langage face auquel ils sont incapables de jouer. Ils commencent à parler, à se confesser. Le vide de cet homme qui ne parle pas, c’est angoissant pour eux. Tous, pour différentes raisons, commencent à parler avec le moine.

Oui, il y a un thriller qui m’a un peu servi de modèle, c’est celui de Hitchcock dans lequel il y a un moine, La Loi du silence, qui ne parle pas du contenu de la confession. Le film n’a pas été très aimé. Il n’y a pas de thriller. Ici, le thriller cache une dimension plus philosophique. Ce qui m’intéressait, c’était de voir la confrontation entre les deux mondes.

Le fait d’avoir voulu amener des invités spéciaux lors de la réunion, les personnages de Connie Nielsen, Johan Heldenberg et Toni Servillo, est-il une volonté d’apporter de l’équilibre dans le monde ? Apporter un aspect plus humaniste à la politique qui n’est pas toujours très connectée à la réalité ?

Oui. Je pense que, d’une façon, c’est un prétexte réaliste. En faisant mes recherches sur le G8, j’ai découvert que, plusieurs fois, il y a des invités qui sont représentants de la société du spectacle et ou de pays en voie de développement comme Bono ou Bob Geldof. C’est un prétexte réaliste. Pour avoir le moine, il me fallait aussi d’autres personnes. J’ai choisi ce triangle de la rock star, la figure la plus commune et l’écrivaine pour enfants. C’est quelqu’un qui gagne beaucoup d’argent et qui a une sorte de culpabilité. Et, en plus, il y a le moine. C’est une invention parce que jamais un moine n’a été invité à un G8. Ca ouvre la perspective. Les hommes politiques sont obligés de se confronter au monde. Au début, ils n’aiment pas trop le moine. C’est quelqu’un de trop silencieux pour eux mais, à force, ça devient un collaborateur.

Vous avez écrit le rôle du moine en pensant directement à Toni ?

Oui. J’ai pensé à Toni. Il était le premier à qui j’ai parlé du film et il a suivi toutes les étapes de l’écriture.

Le reste du casting est très impressionnant également. Si leurs noms ne sont pas toujours connus, leurs visages si. Comment ça s’est déroulé ?

C’était un projet qui, naturellement, amenait à cette idée. Pour un G8, il fallait un japonais, un américain, un canadien,… Le succès de Viva La Liberta a fait que tous les grands acteurs se sont proposés. J’ai été les rencontrer et les choisir très facilement. Ca a été un énorme plaisir de travailler avec Moritz Bleibtreu, Marie-Jozée Croze, Andy De La Tour, Lambert Wilson,… Le rôle de ce dernier était prévu pour Roman Polanski, qui avait déjà signé son contrat. Il a ensuite eu son problème d’extradition en Pologne et n’a pas pu faire le film. Je suis très content de Lambert parce qu’il a fait le travail avec beaucoup d’intensité et d’intelligence.

Quand vous faites un film, qu’elle est votre motivation ?

Je fais toujours des films dans lesquels il y a un rapport entre la réalité et l’imagination. Pour moi c’est ça le cinéma. La chance de pouvoir créer en correspondance entre l’imagination et la réalité. Je pars toujours d’éléments réels sur lesquels il y a une idée imaginative très forte. Je pense toujours faire des films liés à la société. En ce moment, ce qui m’intéresse, c’est le pouvoir, l’évolution, les transformations. Je trouve que quand c’est médiatisé, c’est difficile de trouver quelqu’un qui parle de façon véritable. C’est toujours une parole médiatique.