Lors de leur tournée promotionnelle européenne, les réalisateurs et le producteur, Clark Spencer, de ZOOTOPIA ont fait une halte à Bruxelles. Nous avons eu l’opportunité de les rencontrer pendant un peu plus de 20 minutes et voici le compte-rendu de ce très intéressant entretien.
Quels sont les bons et mauvais côtés de travailler à deux voir à trois réalisateurs ?
Rich : Il n’y a pas grand chose de mauvais.
Byron : Oui. Ce sont de gros films sur lesquels on bosse. C’est massif et vraiment complexe, presque mystérieux. Ce qu’il y a avec Zootopie c’est que j’ai commencé à travailler dessus très tôt et que j’ai eu l’appui de Jared qui est notre co-réalisateur et notre scénariste également. Il a été très impliqué dans tout le processus de création, la conception de l’univers, qui sont les personnages,… Même chose avec Rich qui a travaillé sur Les Simpson et LES MONDES DE RALPH qui est un film incroyable avec beaucoup d’émotion et une excellente narration. Nous nous reposons vraiment beaucoup sur les autres au studio. On aide les autres sur leur film. Je ne sais pas pour Rich sur LES MONDES DE RALPH mais j’adore travailler avec des partenaires parce qu’on a tellement de questions à régler chaque jour que c’est agréable d’avoir quelqu’un pour tout gérer et garder le film sur les bons rails. J’ai trouvé que c’était d’une grande aide.
Rich : C’était vraiment bien. Sur celui-ci, comme l’a dit Byron, était extrêmement ambitieux et des morceaux de l’histoire ont changé de manière profonde dans la vie du film donc ça aurait été très difficile pour un seul réalisateur de supporter et gérer tout ce qui se passe à ce stade là. Ca aurait probablement été impossible de gérer ça seul.
Quand il y a deux réalisateurs sur un film live, c’est assez facile de comprendre comment ils se répartissent le travail. Souvent, l’un s’occupe plus des acteurs tandis que l’autre s’occupe plutôt de l’aspect technique. Comment cela se passe-t-il pour un film d’animation ?
Byron : J’ai travaillé deux fois avec deux autres réalisateurs sur deux autres films auparavant et on avait différentes façons de travailler. Chris Williams et moi divisions le travail tandis qu’avec Nathan nous étions constamment dans la même pièce. Rich et moi avons fait comme j’ai fait sur Raiponce. Nous voulions au maximum être dans la même pièce pour pouvoir prendre toutes les décisions facilement. L’équipe vous regarde afin d’avoir un chemin dégagé pour travailler. Plus ou comprend ce qu’on cherche, plus ça fonctionne et meilleures seront les instructions données à l’équipe.
Rich : On était là pour tous les enregistrements, toutes les rushs d’animation. Je pense qu’on s’est séparé le boulot en ce qui concerne la photographie.
Byron : Ah oui c’est vrai.
Rich : A part ça, c’est à peu près tout.
Jusqu’à présent, le cauchemar en animation était le problème de la fourrure, problème que vous avez réglé sur ZOOTOPIA. Quel sera le défi des 20 prochaines années ?
Rich : Bonne question. Ici c’était de la fourrure qui interagissait avec des vêtements en plus.
Byron : C’était déjà un problème sur BOLT. On devait choisir les personnages qu’on voulait parce qu’on ne pouvait pas s’occuper de tous. Dans ZOOTOPIA, tous les personnages ont des vêtements, de la fourrure. La complexité ne fait qu’augmenter.
Rich : Byron et Clark, notre producteur, m’ont raconté que, sur BOLT, il y avait une scène où Bolt passe sa tête par la fenêtre s’une voiture. Ils ont du tricher pour avoir le vent qui souffle sur son visage et la fourrure. Et ça rend bien à l’écran pourtant.
Byron : On n’avait pas les programmes adéquats. Maintenant, on a de vrais programmes de vent qui agit sur les vêtements et le reste.
Rich : Pourtant BOLT ne me semble pas être sorti il y a si longtemps. Enfin, on ne pouvait pas faire tout ce qu’on veut. Ca ne fait pas très Disney. Maintenant, la fourrure, ok, c’est bon. Les vêtements, ok, c’est bon.
Quel sera le prochain défi ?
Rich : Je ne sais pas parce que sur LES MONDES DE RALPH, il y avait une voiture faite de ce bonbon translucide. Ca ne semble pas être un gros truc mais, quand ils ont écrit le code pour le faire, ils n’en revenaient pas. On pouvait voir à travers le bonbon et ça reflétait la lumière. Cool ! (rires) « Je suis content de voir que vous êtes si excités à l’idée d’avoir écrit ce code les mecs ! » C’était quelque chose d’énorme. Ils ont même été à des conventions avec ça et d’autres techniciens étaient stupéfaits qu’ils aient été capables de le faire. C’est comme si chaque film avait quelque chose de similaire. Je suppose que sur Raiponce c’était pareil.
Byron : Oh les cheveux. Environ un an avant la sortie, les cheveux ne fonctionnaient pas. Ils n’étaient pas assez bons du tout. A Noël on a dit que si ça ne fonctionnait pas pour le 31 janvier, on ne pourrait pas sortir le film. Ils ont trouvé la solution.
Rich : C’est dingue de se dire qu’il y a des échéances comme ça. Si on ne peut pas faire les cheveux, on ne peut pas faire RAIPONCE. Sur BIG HERO 6 (Les Nouveaux Héros), le souci était le générateur de la ville. On n’aurait pas pu faire ZOOTOPIA sans les défis technologiques relevés sur d’autres films avant.
Sur les 4 à 5 ans passés à faire le film, combien de temps avez-vous passé à faire des recherches ? Il est tellement riche qu’il faudrait presque le voir deux fois pour tout saisir.
Byron : Haha, oui, au moins deux fois.
Rich : Dis ça partout. Tu peux même dire, au moins 3 fois. (rires)
Byron : Nous avons passé beaucoup de temps à faire des recherches à partir du moment où on a pitché l’idée. John Lasseter nous a dit que le meilleur moyen pour écrire c’était de faire des recherches afin de parfaitement connaître notre sujet. On est devenus des experts sur nos sujets. Rich est expert en jeux vidéo grâce au MONDES DE RALPH.
Rich : Oui, j’ai eu beaucoup d’expérience en tant qu’adolescent. (rires)
Byron : Sur celui-ci on devait devenir des experts en animaux. On a passé entre 8 et 10 mois à faire des recherches sur les animaux. On a aussi du en faire pour la ville et avons pris l’exemple de New York et ses différents quartiers comme le Bronx, Chinatown, Manhattan,… On a également passé du temps au Kenya pour observer les animaux en société. C’était fascinant. On était près d’un point d’eau. Des centaines d’animaux venaient. Des lions buvaient près de gazelles et de zèbres. Près de leurs proies. Et personne ne mange personne. On a trouvé ça très intéressant. On a découvert que, dans la nature, 90% des animaux étaient des proies et qu’il n’y a que 10% de prédateurs. On peut l’entendre dans le film d’ailleurs. C’est vrai et totalement basé sur la réalité. C’était une comparaison sociale très intéressante.
Avez-vous du faire face à des difficultés particulières, dans le processus d’écriture ou d’animation ? Exceptés le cauchemar de la fourrure bien entendu.
Rich : On a vraiment travaillé dur sur ce script. On est repassé dessus encore et encore. A un moment donné, on avait décidé que ce serait Nick le personnage principal. C’est resté pendant un bon moment. A cette époque là, je faisais partie du Story Trust, qui est un groupe de scénariste chez Disney qui analyse les scénarios et émet des remarques. J’étais donc relativement impliqué depuis le début. Il y avait une version du scénario qui était à propos de Nick. Cela posait problème parce que, quand vous racontez l’histoire d’un point de vue cynique, cela rendait la ville oppressante, ce qui n’était pas le but. On a finalement pris la décision de retirer cet aspect de la ville, de faire en sorte qu’elle ne soit plus oppressante. Introduire la ville via les yeux de Judy apportait un côté plus optimiste. A partir de cet instant, l’histoire que nous voulions raconter depuis le début a pris forme. C’est comme si c’était l’histoire elle-même qui nous disait qu’elle voulait que Judy soit le personnage principal. C’était la bonne nouvelle. La mauvaise, c’est que ça changeait totalement l’histoire et qu’on a du dire à des gars que, le travail sur lequel ils bossaient depuis 2 ans allait devoir être jeté parce qu’il ne correspondait plus au film. Cela fait partie des difficiles tâches d’un réalisateur. Cela arrive plus souvent qu’on ne le pense. C’est une partie du processus. Ce fut probablement le plus gros défi du département qui s’occupait de l’histoire.