Si l’on peut reconnaître un talent à Steven Spielberg en dehors de celui d’être un excellent réalisateur, un bon producteur et directeur d’acteur, c’est celui d’avoir compris depuis bien longtemps comment monétiser ce talent au cinéma afin de pouvoir – au final- réaliser ce qu’il veut quand il le veut. En alternant, presque depuis ces débuts, films à succès publique et films plus personnels, il a toujours réussi à se servir des uns pour pouvoir financer les autres.
C’est comme cela que les près de 600M de dollars de recettes d’un READY PLAYER ONE peuvent financer (il s’agit bien sûr ici d’une simplification outrancière et démonstrative du propos – NDA) les 100M de dollars de WEST SIDE STORY et les 40M de dollars de budget de THE FABELMANS, les deux films qui ont suivi.
Car, à n’en pas douter, THE FABELMANS, semi-autobiographie, est un film très personnel de Spielberg, un film où il met sur le grand écran quelques-unes des raisons qui l’ont amené à se jeter corps et âme dans ce cinéma qu’il aime tant. Et peu importe si ce qu’il décrit ici est vrai ou faux, que cela soit une métaphore ou non de sa propre existence, car ce qui importe c’est ce personnage de Sammy pour qui, suite à la capture de quelque chose que personne n’aurait jamais dû voir, la caméra (et donc le film et le cinéma) va se révéler être la seule façon de capturer la vérité.
Dès lors, il n’y aura plus pour Sammy qu’une féroce et vorace envie de retrouver, coûte que coûte, au travers de son objectif, l’objectivité de la vie réelle. Le non-dit capturé par la caméra devient alors visible et s’ancre complètement dans la réalité.
Avec la maestria de sa mise en scène et de sa direction d’acteurs, Steven Spielberg donne vie à ses personnages complexes. Ce duo du père terriblement rationnel ( campé par Paul Dano vu dans THERE WILL BE BLOOD) qu’il complète par cette mère impulsive, créatrice et imaginative (interprétée par Michelle Williams magnifique dans BLUE VALENTINE) va (dé)former le petit Sammy, faisant naître en lui, au sein de cette famille aisée juive, tout ce qui donnera le brillant metteur en scène, amoureux du cinéma, qui rencontrera finalement John Ford un peu par hasard.
Il est difficile de résumer en quelques mots la richesse d’un film qui se veut une ode au cinéma, à la salle, à la vibration du désir de filmer, donc n’hésitez pas à plonger dans une salle obscure et à vous joindre au petit Spielberg dans sa quête du cinéma…