Ray

Ray

par Sylvie Jacquy
Publié: Dernière mise à jour le

Equipe:
Durée : 152’
Genre:
Date de sortie: 22/02/2005

Cotation:

4 sur 6 étoiles

Si vous avez manqué le début:

Sa voix éraillée s'est tue et son piano s'est arrêté de swinguer le 11 juin 2004, si désormais Ray Charles n'est plus, le mythe lui demeure à jamais. De "I've got a Woman" en passant par le magnifique "Georgia on My Mind", on a tous sur les lèvres un air ou un refrain du "Génie de la Soul" et en mémoire son sourire malicieux caché derrière ses fameuses Ray-Ban. Qui ne s'est pas trémoussé au moins une fois sur le légendaire "What'd I say" ou n'a jamais claqué des doigts dès les premières mesures de "Hit the Road Jack"? Mais derrière la formidable carrière de celui qui osa pervertir le Gospel pour lui faire rencontrer le Blues et le Jazz, se cache aussi l'histoire émouvante d'un homme et l'itinéraire méconnu d'une vie. De son enfance misérable en Floride, aux sommets de la consécration et de la gloire, la route de Raymond Charles Robinson a été jalonnée de beaucoup d'épreuves et de nombreux combats pour en arriver là...

 

Notre critique:

Entreprendre la biographie filmée d’une légende n’est pas une sinécure. Si rares sont les réalisateurs qui s’y sont essayé avec succès, en revanche ils sont bien plus nombreux a y avoir laissé des plumes ou s’y être lamentablement ratatinés. De plus il faut bien avouer que depuis quelques années, le genre n’est plus franchement en odeur de sainteté chez les producteurs de plus en plus frileux à ouvrir les cordons de la bourse pour des films où le public n’est pas systématiquement au rendez-vous comme par exemple le pourtant très recommandable ALI de Michael Mann. Avec déjà la double casquette de réalisateur et de co-auteur, pas étonnant donc que Taylor Hackford se soit aussi vu contraint de mettre la main à la poche pour financer RAY. Passionné de musique et déjà à l’origine d’un documentaire sur Chuck Berry dans les années 80, pour ce réalisateur moyen à la filmographie honnête mais guère distinguée (OFFICIER ET GENTLEMAN, L’ASSOCIE DU DIABLE…), ce film est avant tout l’aboutissement de 15 années de labeur et d’efforts pour rendre hommage à l’une de ses grandes idoles.

Suivi de très très près par le Genius himself qui jusqu’à sa disparition supervisa le projet en y apportant une foule d’informations et de conseils, RAY sent le travail fignolé, méthodique et consciencieux même si on se dit qu’un peu d’audace n’aurait certainement pas fait de tort au sujet. Biopic linéaire et classique à la durée fleuve, ce film ne tombe pas pour autant dans le panneau de l’hagiographie facile. En abordant les côtés sombres de l’artiste (drogue, femmes, ego de l’homme et effets négatifs de son statut de vedette), Hackford arrive même à nous faire oublier certaines faiblesses, notamment lorsqu’il s’agit d’illustrer dans des effets pas toujours du meilleur goût et des plus subtils l’enfance du petit Ray sous forme de flash-back appuyés ou encore la représentation maladroite des démons et du mal-être du personnage (un tantinet agaçante avec son discours moralisateur typiquement US).

Bien que plutôt réussi dans son approche musicale, s’amusant à trouver un anecdote et une mise en scène particulière pour chaque tube (il est vrai pour certaines un peu tirées par les cheveux), c’est avant tout et surtout par l’hallucinante et grandiose interprétation de Jamie Foxx (mais si, le chauffeur dans COLLATERAL, c’était lui!) que ce film impressionne et retient l’attention. Certes les esprits grincheux vous diront (et ils n’ont pas tort) que tout cela fleure bon la course à la statuette dorée tant la performance de l’acteur est calibrée pour les Oscars. Pourtant force est de constater que dans toute sa complexité et toutes ses subtilités Foxx est littéralement habité par son personnage d’une manière profondément lumineuse et humaine. Si la fidélité du miroir ne suffit pas à sublimer une oeuvre en une réussite éclatante, RAY a au moins le mérite de nous faire taper du pied pendant plus de deux heures et de nous mettre devant une évidence pour ceux qui en doutaient encore: Ray Charles était un sacré bonhomme qui décidément va nous manquer.