Mother!

Mother!

par Eric Van Cutsem
Publié: Dernière mise à jour le

Cotation:

6 sur 6 étoiles

Si vous avez manqué le début:

Une maison au milieu de la campagne renaît de ses cendres. Dans celle-ci, une femme se réveille et cherche son compagnon qui, visiblement, a quitté le lit avant elle. Lui est écrivain, artiste, créateur, elle rénove la maison mettant tout son coeur et son amour dans cette restauration. Mais un soir, un homme, un inconnu, frappe à la porte...

 

Notre critique:

Le voici enfin! Le nouveau film de Darren Aronofsky. Celui qui en son temps, un peu à la façon de David Lynch avec ERASERHEAD avait balancé au monde un film totalement ‘ovni’, PI, sorte de fable mathématique sur la nature et les fondements même de l’existence.

Avec son teasing bien rodé au fil de l’approche de sa sortie, teasing mettant en scène des affiches symboliques et kitchissime des protagonistes, MOTHER! a bien su faire monter la sauce de l’étrange. Si le pitch avait été dévoilé (un homme et une femme dans une maison voient leur intimité perturbé par un visiteur inattendu), la teneur détaillée du contenu restait totalement inconnue.

Et lorsque l’on sait l’intérêt de Darren Aronofsky sur tout ce qui concerne la création, intérêt qui était au coeur de NOAH ou de THE FOUNTAIN, mais qui sous-tendait aussi REQUIEM FOR A DREAM, BLACK SWAN et les autres films de ce réalisateur hors norme, on s’attendait une fois de plus à un sujet tournant autour de cette préoccupation, un sujet choc.

Et choc il y a! Car l’existentialiste et agnostique Aronofsky (il dit lui-même ne pas avoir de Dieu) nous propose avec MOTHER! sa vision du processus de création qu’il soit religieux ou pas (puisque l’on peut facilement étendre cette réflexion à toutes les créations artistiques).

Car MOTHER! parle d’un écrivain (Javier Bardem tout en nuances) en perte d’inspiration, un écrivain qui doute de sa capacité à créer mais aussi d’un écrivain qui, dès qu’il a un fils, et que son oeuvre créative redémarre, devient adulé comme un dieu, dieu qui vit avec une déesse (il appelle en effet bon nombre de fois sa femme “goddess”), un dieu qui peut devenir violent, colérique, protégeant le paradis (son bureau) en interdisant son accès aux étrangers.

Mother Affiche

Mélangeant références bibliques et références sorties tout droit de son inconscient, Aronofsky ne livre pas une décalcomanie de passages de la bible, mais plutôt un amalgame de connotations religieuses ou plus exactement de réflexions existentialistes. Il tente de retranscrire les affres de la création dans un maelström qui ne paraîtra pas toujours cohérent aux yeux de tous.

Emballant cette vision dans une mise en scène foisonnante à la construction très particulière, le réalisateur américain propose 120 minutes de voyage en direct de ses visions du monde. MOTHER! multiplie ainsi les symboles religieux, parfois clairs (la référence aux fausses idoles, le sacrifice du fils de Dieu, le cannibalisme, etc), parfois moins évidents (la blessure de l’inconnu, les visiteurs, etc), sur fond d’images d’horreurs, sanglantes ou dérangeantes.

Mais c’est effectivement la construction même de la narration qui risque de désarçonner plus d’un spectateur. Alors que MOTHER! semble mettre en avant un dieu et sa création, le film est construit sur un seul point de vue d’un bout à l’autre, puisque la caméra ne quittera jamais Jennifer Lawrence dès le moment où elle apparait à l’image. Centre du film, la femme de la maison se sent pourtant seule, objet mais pas actrice d’un destin tout tracé qui va voir son univers bien cadré, bien protégé, éclater en morceaux, comme si son paradis se dissolvait au fur et à mesure, accaparé, emporté pièce par pièce par de faux adorateurs. On a l’impression qu’Aronofsky réduit la femme à sa seule fonction de mère et de protectrice du paradis, tout en la glorifiant en lui accordant le centre de l’attention du spectateur.

MOTHER! divisera incontestablement et créera la polémique, soit par son extrémisme dans sa mise en scène, soit parce qu’il est la représentation étonnante et sans concessions du point de vue de son auteur, mais il a au moins le mérite de ne laisser personne indifférent, montrant à quel point toute création digne de ce nom passe invariablement par une série d’échecs… A voir absolument!

 

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