« Qui pourra dire un jour combien d’hommes j’ai tué » écrit Antonin dans son journal de guerre… Mais la vraie question est plutôt: combien d’hommes la première guerre mondiale a-t-elle cassé? Car en plus d’avoir généré son lot de gueules cassées (illustré par LA CHAMBRE DES OFFICIERS), la guerre de 14-18 a fait bon nombre de têtes cassées, des hommes comme Antonin dont l’esprit s’est égaré ou s’est échappé dans les tréfonds de l’inconscient pour éviter la folie due à la guerre.
Pour son premier long métrage en tant que réalisateur/scénariste, Gabriel Le Bomin livre un film témoignage historique aux dialogues ciselés et au montage parallèle réussi entre passé et présent. Minimisant les paroles pour laisser la place aux situations et aux attitudes des protagonistes (qui en disent long), Gabriel Le Bomin trace pudiquement mais sans les édulcorer pour autant, les situations extrêmes et difficiles auxquelles sont confrontés les hommes: les médecins qui doivent faire des choix, des morts dont on égrène les médailles et les noms…
La force du film réside aussi sur le déclencheur finalement minimal de la folie d’Antonin, ce catalyseur ridicule qui n’est que la goutte d’horreur qui fera déborder le cerveau du malheureux soldat. Romantisme oblige, le film se terminera sur le seul remède possible: l’amour de Madeleine, une infirmière qu’avait rencontré Antonin…
Enfin, Grégory Derangère, comédien trop rare (qui avait joué dans LA CHAMBRE DES OFFICIERS!), campe un Antonin presque lunaire, personnage jovial et fort dans les moments difficiles et prisonnier de son inconscient après avoir sombré dans la folie. A voir donc tant pour l’Histoire que pour la fiction…