Les Blessures Assassines
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Les Blessures Assassines

par Sylvie Jacquy
Publié: Dernière mise à jour le

Equipe:
Durée : 94’
Genre:
Date de sortie: 06/03/2001

Cotation:

4 sur 6 étoiles

Si vous avez manqué le début:

"L'affaire des soeurs Papin" comme on l'a appelée à l'époque, est l'un des faits-divers du siècle écoulé qui aura sans doute le plus défrayé la chronique et alimenté les polémiques. De Sartre à Eluard en passant par Genet et sa pièce de théatre LES BONNES ou encore récemment Chabrol dans LA CEREMONIE, l'histoire de Christine et Léa Papin a inspiré nombre de sommités de par son côté mystérieux et énigmatique. Le mutisme dans lequel les deux jeunes femmes s'enfermeront durant leur procès ne fera que l'augmenter. Comment deux jeunes filles ordinaires placées comme bonnes dans une famille bourgoise de province ont-elles pu, après six ans de bons et loyaux services, assassiner sauvagement leur patronne et sa fille sans motif apparent? Comment ont-elles pu faire preuve de tant de bestialité en s'acharnant sur leurs cadavres et en les mutilant?

 

Notre critique:

C’est justement à ce genre de questions que le réalisateur Jean-Pierre Denis tente de répondre en explorant depuis l’enfance leur cheminement et le lien qui les unit. Dans son film le crime n’est que la partie visible de l’iceberg. Minutieusement, à la manière d’une chronique judiciaire, il rassemble les morceaux du puzzle, les frustrations et les blessures qui vont les plonger dans le gouffre de la folie. Une enfance saccagée, un père absent, une mère irresponsable, la maison de redressement catholique puis le placement comme domestiques chez des bourgeois qui les méprisent, ces petits riens infligés par la vie sont filmés d’une manière sobre et neutre. Les tensions montent, les non-dits s’installent et progressivement on se retrouve dans un huis clos étouffant, avec de plus Christine et Léa qui, coupées du monde, se réfugient l’une vers l’autre dans un amour passionnel, exclusif, allant jusqu’à l’inceste. Indissociables, elles scelleront leur amour dans le crime quand ce dernier sera découvert (Jean-Pierre Denis retient ici une des hypothèses du mobile du crime les plus vraisemblabes).

Si Maurice Pialat était pressenti pour réaliser ce film tourné au Mans à quelques rues du crime, c’est au bout du compte à un « cinéaste par accident »(comme il se définit) qu’a été confiée cette adaptation. Jean-Pierre Denis (également inspecteur des douanes!) a tourné quatre films en vingt ans dont un en occitan, et est souvent catalogué comme cinéaste du terroir du sud-ouest. LES BLESSURES ASSASSINES lui permettent enfin de se débarrasser de cette étiquette encombrante. Se basant sur une enquête approfondie et fidèle aux détails historiques, c’est avec distanciation et pudeur qu’il dresse le portrait de ces deux soeurs qui plongèrent la France de 1933 en plein émoi. En choisissant de bannir toute musique et d’écarter les acteurs célèbres de son film, il opte pour une mise en scène ascétique et rigoureuse que certains pourront lui reprocher.

En tous les cas, LES BLESSURES ASSASSINES est un film dont on ne sort pas indemne et qui nous fait découvrir deux jeunes actrices incroyables.

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