Equipe:
Durée : 100’
Genre:
Date de sortie: 20/10/1998
Cotation:
Si vous avez manqué le début:
Profanation de tombes à Morsang, vague station balnéaire sur l'Atlantique. Gabriel Letourneur, alias le Poulpe, et son amie Cheryl, y débarquent pour découvrir que la tombe de ses grands-parents a été visitée. Enquête facile: on trouve quelques ados en mal d'aventure. Mais deux d'entre eux se font assassiner...
Notre critique:
Le Poulpe est un personnage de la littérature populaire, créé par Jean-Bernard Pouy en réaction aux héros infaillibles des SAS et autres Exécuteur. Le Poulpe est un grand échalas pas très beau, qui pointe son tentacule là où ça sent mauvais: les faits divers sordides, avec leurs cortèges de victimes et de salopards. Le Poulpe, c’est de ça qu’il vit. Un robin des bois des temps modernes qui prend aux vilains riches pour mettre dans sa poche! Le Poulpe, il aime la bière et les bistrots, il n’aime ni l’extrême droite, ni les cathos exaltés. Après cent aventures de papier, le poulpe se paie sa première apparition au cinéma. A l’arrivée, une adaptation parfaite, un film réjouissant et atypique, un western portuaire décalé. Une bonne séance en perspective, quoi!
rnrnPourtant, avec son cahier de charges très précis et sa déjà longue aventure littéraire, l’adaptation du poulpe au cinoche ressemblait plus à une patinoire version casse-gueule qu’à un parcours de santé. Heureusement, aux commandes, il y a trois habitués: Jean-Bernard Pouy himself, Patrick Raynal et Guillaume Nicloux, tous deux auteurs d’un récit. Habitués à nager dans les mêmes eaux troubles que leur céphalopode de héros, les trois compères prennent leur pied! Et le nôtre aussi! Leur enthousiasme communicatif transpire à chaque plan.
rnSur grand écran, Gabriel Le Poulpe Lecouvreur gagne ses lettres de noblesse et un ticket, on l’espère, de retour.
rnrnLe scénario
rnAlambiqué au possible, mêlant sans vergogne une dizaine d’intrigues secondaires et les recoupant de manière farfelue mais efficace, l’histoire de ce POULPE a été écrite pour le film. Pas de risque donc de redite. Pouy, le seul de la bande à avoir lu tous les épisodes (100 parus, 300 à paraître!), s’est assuré de la bonne cohésion du tout.
Un tout pimenté de dialogues tordants, en général, de réflexions diverses sur la connerie humaine. Et il y a matière! Le scénario est lisible à de multiples degrés. Tellement, en fait, que tout le monde y trouvera son compte: le fervent lecteur ou le sinistre inculte coincé du cul (gageons tout de même que ce dernier passera un sale quart d’heure!).
Les acteurs
rnLa galerie de personnages, des gueules qu’on dirait sorties d’un Sergio Leone, vaut à elle seule le détour. Ravagés, les seconds rôles. Mais foutrement bien à leur place. La tête d’affiche, quant à elle, est aussi surprenante qu’intelligente. Jean-Pierre Darroussin, éternel second rôle pote à Jean-Pierre Bacri, nous campe un Poulpe inoubliable. Démarche, ton, second degré, cynisme: il fallait un sacré talent pour donner vie au céphalopode anarchiste. A le voir, on croirait qu’il trimbale ses tentacules depuis le berceau ! Il est bien épaulé par Clotilde Courau, Cheryl pour les intimes, la hot compagne de Lecouvreur. Dans le rôle de la bombe sexuelle, l’actrice, déjà vue dans MARTHE et dans FRED, dégage plus d’énergie qu’une supernova. Elle a du corps et du culot.
rnLa mise en scène
rnGuillaume Nicloux est romancier et metteur en scène au théâtre. Depuis 1990, il bosse dans le cinéma, mais son précédent film, LES ENFANTS VOLANTS, reste inédit. Il s’inscrit dans la lignée des cinéastes français marginaux, à la Jan Kounen. La caméra est très mobile et inventive. La photo et l’éclairage sont hyper-travaillés. Le montage est surdécoupé. Comme le film est truffé d’ellipses (ce qui permet au scénario d’en dire plus en moins de temps), ça va vite. Et c’est beau! Même si, parfois, ses choix esthétiques sont discutables, Nicloux réalise ici un film cohérent de bout en bout, sans concession aucune pour engranger des sousous. Bravo !
rnC’est pas tous les jours qu’on a la joie de s’éclater devant un bon film français. LE POULPE est la preuve par neuf qu’il est possible de rivaliser avec le cinéma de l’oncle Sam, et ce, sur son terrain privilégié: le polar.