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La Vie De Jésus

par Jean-Dominique Quinet
Publié: Dernière mise à jour le

Equipe:
Durée : 96’
Genre:
Date de sortie: 02/11/1997

Cotation:

4 sur 6 étoiles

Si vous avez manqué le début:

Putain de film! On le prend en plein visage! LA VIE DE JESUS est une chronique impitoyable.

Freddy est au chômage. Il n'a pas de qualification. Il est épileptique. A Bailleul, où il vit dans le café de sa mère, il n'a pas d'avenir. Il passe ses journées avec ses potes ou avec Marie, sa petite amie. Face à l'inactivité dans laquelle il s'est peu à peu enfermé, les sorties en mobylette, les répétitions à la fanfare du village et la baise dans les champs sont ses seuls remèdes. Quand Kader commence à draguer Marie, Freddy ne songe plus qu'à casser la figure à ce sale arabe...

 

Notre critique:

Fondu au noir. Ballade à moto à travers les champs. Fondu au noir. Freddy embrasse Marie sur le parking désert de la supérette. Fondu au noir. Visite à l’hôpital. Le frère de Michou agonise. Il est en phase terminale. Il a le SIDA. Fondu au noir…
Le rythme du film est lancinant, presque hypnotique. Sous le ciel gris du Nord de la France, la tension s’installe, vicieusement. Freddy s’enlise dans un destin pourri, sans issue. Ne rien faire, sauf sortir avec la bande, c’est devenu une habitude. Pire, un mode de vie. Il ne pense plus. Il se laisse guider par son esprit borné et limité. La canicule, les circonstances, la haine le conduisent tout naturellement jusqu’à l’irréparable: par pur racisme, il tue. Un crime crapuleux, inutile, idiot. C’est ainsi que cela arrive, presque par hasard.
Presque… Toute la nuance est là. Où est-elle, la société censée contenir les irresponsables? Pourquoi les jeunes gars sont-ils si sensibles aux discours xénophobes? Le racisme est aussi con que Freddy étendu sur l’herbe, la bave aux lèvres. Il est tenace et hargneux. On a besoin de films comme celui-ci pour en venir à bout.

Bruno Dumont, pour la première fois derrière la caméra, est percutant. Il réussit à coincer dans son objectif des morceaux de réalité bruts et cinglants. Le film tire sa force de scènes quotidiennes, dérobées dans la rue. Des scènes qu’on a vraiment vécues, dans lesquelles on se retrouve. Un couple qui s’embrasse, une fanfare qui traverse la campagne, des fous rires étouffés au café. C’est tellement vrai que cela devient effrayant lorsque le drame éclate. Il nous touche physiquement, nous révulse. Les images sont crues. Quand Freddy et Marie font l’amour, Dumont filme les sexes. Il nous pousse à regarder la vérité sous son aspect le plus sommaire. Quand la bande roue Kader de coups de pied, Dumont détourne sa caméra, dégoûté. Il évite le voyeurisme. C’est du documentaire-fiction dans sa forme la plus habile.

Ajoutez à cette maîtrise des acteurs inconnus, engagés au bureau de chômage. Ils jouent avec un naturel désarmant, sans forcer. Ils sont chez eux. Leurs personnages leur collent à la peau.
Pas de doute, LA VIE DE JESUS est un des films les plus dérangeants du moment. Et il fout quelques baffes bien senties à tous les Front Nationaux de notre francophonie.
Putain! Quel film!