Accueil Critiques Intimacy

Intimacy

par Sylvie Jacquy
Publié: Dernière mise à jour le

Equipe:
Durée : 120’
Genre:
Date de sortie: 17/04/2001

Cotation:

2 sur 6 étoiles

Si vous avez manqué le début:

Un homme et une femme se retrouvent chaque mercredi après-midi dans un appartement londonien. Sans un mot ils se déshabillent dans leur coin puis se couchent à même le sol et font l'amour en silence. Puis la femme s'en va. De ces deux personnages on sait rien ou pas grand-chose, juste que le sexe est leur forme de langage, que leurs étreintes sont violentes et brûlantes et qu'ils ne se voient jamais en dehors de ce rendez-vous hebdomadaire. Jusqu'au jour où Jay, l'homme, décide d'en savoir plus sur Claire et commence à la suivre dans la rue.

 

Notre critique:

Tout a été dit, lu, entendu ou clamé sur INTIMACY depuis sa double récompense au dernier festival de Berlin (Ours d’Or et prix d’interprétation féminine). « Oeuvre incroyablement physique et cérébrale, crue et abstraite »; « magnifique vérité des corps et des sentiments qui l’accompagnent »; « communion charnelle sobre et épurée »; « bouleversante exploration du désir et de ses dérapages »; « plongée en plein mystère du couple et de l’amour » et même pour les plus inspirés et déchaînés; « oeuvre d’art cinématographique tout simplement  » (si, si). C’est vrai qu’un prix à Berlin, ça se soigne, ça se chouchoute, bref ça s’encense d’autant plus lorsque le glorieux lauréat est un français (ça n’arrive pas toutes les lunes). La grande question à se poser était: est-ce que l’on continue de patauger dans cette grande marmelade concupiscente et dithyrambique en surenchérissant dans l’éloge et le superlatif pas encore utilisés, ou bien (au risque de passer pour les vilains petits canards de service) osons-nous dire que non INTIMACY ne fait pas l’unanimité.

Certains spectateurs effectivement trouveront ce film truffé de toutes ces qualités et bien plus encore, mais d’autres ne verront dans l’histoire de Jay et de Claire qu’une énième variation sur le thème de l’inusable adultère. Bon, d’accord, pas une histoire de tromperie ordinaire: ce couple qui ne se connaît pas et se retrouve tous les mercredis dans un appartement blafard pour faire l’amour ne se parle pas, ne communique qu’à travers le sexe. La caméra de Chéreau à coups de plans séquence nous balance froidement et sans distance leurs étreintes fébriles et frénétiques, filme avec minutie leur peau qui rougit et s’irrite, sans érotisme ni séduction glamour artificielle: juste la lutte des corps. De même, il chamboule les codes du genre, ici, l’homme est fragile, blessé et réclame, tandis que la femme s’accorde une parenthèse et savoure. C’est d’ailleurs Jay qui rompt leur accord tacite en décidant de suivre Claire dans la rue et d’en apprendre plus sur elle. Mais la fascination ou la reconnaissance d’une partie de soi enfouie que certains peuvent trouver dans ce film, peut tout aussi bien s’avérer de la gêne ou de l’embarras pour d’autres, voire carrément de l’ennui.

Patrice Chéreau a décidé pour ce 8ème long métrage de faire le ménage dans ses habitudes en prenant la poudre d’escampette à Londres. Changement de décor donc, de langue, choix de comédiens anglo-saxons au visage peu familier, cadre minimaliste. Le réalisateur de LA REINE MARGOT et de CEUX QUI M’AIMENT PRENDRONT LE TRAIN opère un chamboulement intime mais ne balaye pas pour autant ses vieilles fascinations et frustrations: Comment désire-t-on? Qu’est-ce qu’un couple? Que veulent dire les mots et le langage des corps? Sans oublier la réflexion sur le théâtre et ses limites, ainsi que l’éternelle obsession sur le désir physique. Plus enjeu personnel que véritable envie de communiquer avec le public, INTIMACY, sous ses faux airs de vouloir nous secouer, est avant tout un prétexte pour bousculer son propre réalisateur. Souhaitons-lui que l’expérience lui aura fait du bien et sera bénéfique pour la suite.