Hommes, Femmes, Mode D’Emploi

Hommes

Le Balzac auto-proclamé du cinéma français est de retour ! Claude Lelouch se penche sur les hommes et les femmes, et nous en donne le mode d’emploi. Chouette ! On va apprendre des choses.

Et bien, pas du tout!

Ou si peu. A bien y regarder, il s’agit de l’histoire de deux hommes souffrant de maux d’estomac. L’un développera un cancer parce qu’on lui annonce qu’il en a un alors qu’il n’en a pas, tandis que l’autre va guérir tout seul alors qu’il avait effectivement le cancer mais qu’on lui annonce qu’il n’en a pas. Vous suivez? Bien sûr on a droit à tout un développement savant pour comprendre pourquoi on annonce à l’un et l’autre le contraire de la réalité, développement qui inclut une série de disgressions typiquement lelouchiennes (l’histoire du chanteur, celle des p’tits jeunes, celle de la fausse veuve, celle avec Ophélie Winter…) qui sont l’occasion pour le réalisateur de montrer une nouvelle fois comme le destin nous manipule et que la vie est bien une « comédie inhumaine » (c’est le sous-titre du film). Ah ça madame!

Donc, comme à son habitude depuis trop de films, sur base de situations aussi artificielles qu’improbables, Claude Lelouch se permet de disserter sur la vie en observateur averti. De façon unique, il mêle romanesque et naturalisme, n’hésitant pas à faire passer l’un pour l’autre, créant ainsi une arnaque cinématographique d’envergure.

Car, outre son côté prétentieux, il y a une contradiction majeure dans cette démarche. Le romanesque et le naturalisme sont antinomiques. Le romanesque, c’est l’imaginaire, c’est la rêverie, c’est l’improbable. Le naturalisme, c’est la description du réel. Les deux se rencontrent rarement. Et surtout, si la réalité est parfois romanesque, le romanesque n’est par définition jamais réel !

En matière de romanesque pur, Lelouch a fait de grandes choses. L’AVENTURE C’EST L’AVENTURE ou plus récemment ITINERAIRE D’UN ENFANT GATE en sont des exemples parfaits. C’est de l’invention carabinée du début à la fin mais, en l’espèce, c’est justement ça qui est plaisant.

En matière de naturalisme aussi, il y a des réussites. Il suffit de citer UN HOMME ET UNE FEMME. C’est l’histoire simple d’une rencontre entre un homme et une femme, histoire qui n’observe rien d’autre que cette rencontre-là.

Et puis, un jour, il s’est amusé à mêler les deux. LES UNS ET LES AUTRES doit être cette étape malheureuse. On a droit pour la première fois à une histoire romanesque présentée comme une illustration des chemins que la vie peut nous faire emprunter. C’est la première fois que Lelouch se mêle de délivrer ostensiblement des messages.

A partir de ce film, Lelouch nous montre du faux en nous disant que c’est du vrai, que c’est ça aussi la vie. En étant mauvaise langue et pour faire une rapide parenthèse, on comprend pourquoi il fait jouer Tapie dans son dernier film: entre escrocs, on doit s’entendre! Mais le pire en fait c’est que la sincérité de Lelouch n’est pas à mettre en doute. Cet homme adore le cinéma et est profondément convaincu de son discours.

La direction d’acteurs propre à Lelouch entretient d’ailleurs cette confusion entre le romanesque et le naturalisme, participant grandement à faire passer l’un pour l’autre. Mettre un acteur face caméra et le faire improviser va donner à son jeu un caractère naturel. Cela va faire vrai et le spectateur se dit soudain, « oui tiens, au fond, ce que Lelouch me montre là c’est vrai que ça pourrait arriver, c’est vrai que la vie est parfois comme ça ».

Pour revenir à HOMMES, FEMMES, il faut reconnaître que tout n’y est pas à hurler. Quelques scènes sont (comme dans tous les films de Lelouch) hautement jubilatoires, de même qu’on ne peut nier la qualité de la prestation de Bernard Tapie.
En gros, HOMMES, FEMMES, est au cinéma d’auteur français ce que TWISTER est au cinéma d’action américain : une coquille vide. Derrière les dialogues truffés de citations ronflantes de l’un, comme derrière les scènes d’actions truffées d’images de synthèse de l’autre, il n’y a rien.

Face aux critiques qui le critiquent, Lelouch s’en sort par une moue de dédain et met en avant la partie du public qui le suit. On lui rappellera simplement que le Reader’s Digest est un des magazines les plus lus et que ça n’en fait pas automatiquement une référence glorieuse en matière journalistique. A bon entendeur…

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Napoleon

Freelance

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