A partir d’histoires minimalistes, comme c’était déjà la cas dans CHUNKING EXPRESS, son précédent long métrage, Wong Kar Wai propose un cinéma intimiste qui tranche singulièrement avec la production courante de Hong-Kong. On est loin en effet des productions Tsui Hark (sword & sorcery, néo-polar speedé, …) popularisées par les CHINESE GHOST STORY ou les films de John Woo.
Ici, pas de rebondissements romanesques incessants, pas ou presque de hauts faits d’armes. Wong Kar Wai bannit l’événement du cadre pour ne garder que les traces qu’il peut laisser sur les êtres. Si, par exemple, un homme rencontre une femme, il ne nous montrera pas le moment où ils s’adressent pour la première fois la parole. Il nous les montrera avant et après, mais pas pendant. L’événement proprement dit sera juste, éventuellement, l’objet d’une explication donnée en voix off par l’un ou l’autre des protagonistes.
Ce procédé peut certes dérouter et requiert une attention réelle de la part du spectateur. Mais, quoi?, on n’est pas au cinéma pour dormir, que je sache. De plus, si l’histoire se déroule au fil de scènes non montrées, ce qui est montré l’est avec une virtuosité époustouflante. Ralentis, accélérés, passage de la couleur au noir et blanc, gros grain, flous, images vidéos, sautes d’axe, angles impossibles, tous les moyens d’expression du cinéma y passent. Ce travail sur l’image et le son éclabousse le film d’une force rare. Il en nourrit la trame à tel point que les scènes non montrées ne manquent jamais. Les rebondissements sont dans la mise en scène et non dans le scénario. Expérience étrange et fort peu habituelle qui n’est pas sans rappeler les derniers films de Godard, le côté chiant, pardon, intello en moins ou encore ceux du cinéaste japonais Shinya Tsukamoto.
Film intuitif et physique, FALLEN ANGELS nous donne à voir un cinéma profondément moderne dans la forme, au sein duquel l’humain, qu’il soit personnage ou spectateur, occupe une place primordiale.
Etonnant.