Equipe:
Durée : 202’
Genre:
Date de sortie: 19/06/2001
Cotation:
Si vous avez manqué le début:
Alors que la guerre du Vietnam senfonce dans lhorreur, à Saïgon dans sa chambre dhôtel, le capitaine Willard à peine revenu de lenfer, ne demande quà y retourner. Comme un drogué en état de manque macérant dans son angoisse, tuer pour avancer, avancer pour oublier labsurdité est devenu pour ce soldat américain des forces spéciales une nécessité. Cest ainsi quil se voit confier la mission très particulière de traquer et liquider un des plus brillants officiers de ces mêmes services, le colonel Kurtz. Ce dernier a fait sécession et désormais règne au cur de la jungle à la frontière cambodgienne, sur une population tribale de «montagnards» dont il est devenu le gourou puissant, solitaire et dangereux. Embarqué avec quatre hommes sur un patrouilleur, Willard va remonter le fleuve comme on remonte le temps jusquau repaire de sa proie pour découvrir le sens réel de sa mission.
Notre critique:
Festival de Cannes 1979, le jury rend son verdict et sacre ex-aequo avec LE TAMBOUR de Volker Schlöndorff, un film encore à létat de copie de travail qui a déjà fait couler beaucoup dencre et que certains journalistes mal intentionnés avaient déjà enterré en le surnommant « Apocalypse When? ». uvre folle et démesurée, véritable légende audacieuse et avant-gardiste déguisée en superproduction, jamais sans doute lhistoire racontée dans un film navait à ce point coïncidé avec sa réalisation. Débuté moins dun an après la chute de Saïgon le tournage dantesque durera près de deux ans connaîtra catastrophes sur catastrophes. Cyclones, destruction des décors, dépassements de budgets colossaux, faillite de la production, crise cardiaque du comédien principal (Martin Sheen), maladie, drogue, folie et mégalomanie de Coppola, on en passe et des pires! En décidant dadapter le roman de Conrad dans lenfer de la guerre du Vietnam ce dernier ne pensait certainement pas être obligé de tout risquer, sa réputation, sa fortune, sa santé physique et mentale et encore moins rafler une seconde Palme dOr.
Depuis lors, on pensait tout savoir et connaître sur APOCALYPSE NOW et voilà que 22 ans plus tard sort une nouvelle version, remixée et augmentée de 53 minutes, supervisée par Coppola himself et Walter Murch, son monteur de lépoque. Exhumations de vieux placards et rajout de scènes coupées? Exploitation mercantile du label « directors cut »? Version définitive dun film dont le premier montage aurait été frustrant? Non, APOCALYPSE NOW REDUX comme revisited, est une véritable et fantastique variation qui comprend des épisodes inédits que Coppola, pour des raisons esthétiques et politiques avait décidé de bannir de son premier montage. Révélées au grand jour ces scènes permettent de mieux comprendre le choix de leur suppression tant elles donnent une profondeur et une richesse au film à travers la psychologie de ses personnages, affinée et renforcée. A commencer par la personnalité hallucinante du colonel Kilgore, ce militaire fou qui aime lodeur du napalm au petit matin et signe son passage en jetant une carte à jouer sur chaque cadavre ennemi. La fameuse scène de « La chevauchée des Walkyries » gagne ici en éloquence dans le registre de labsurdité et de lhorreur et lhumour macabre et la démence trouvent dorénavant leur vraie dimension. On appréciera au passage linsertion nouvelle dun cut où lon voit la séance de surf tourner au fiasco et la tunique bleue se faire dérober sa planche par Willard et ses hommes, premier geste dinsubordination de sa part, première étape vers la dissidence.
A mesure que le patrouilleur senfonce dans les méandres du fleuve, cest le portrait dune Amérique impériale, grotesque, hypocrite et en perdition qui est mis à nu. Comme dans cette scène sordide et grinçante où après avoir brillé sous les feux de la rampe et fait rêver les troupes, les bunnies-girls telles des anges déchus attrapés par la mélasse du front sont retrouvées pataugeant dans la boue prêtes à tout pour un baril dessence. Les mensonges entretenus volent en éclat et Coppola en profite pour rajouter une scène où il faire lire à Brando quelques perles de propagande de lépoque, le Time Magazine en tête. Mais la séquence qui donne un nouvel éclairage au film est sans doute laccostage dans une plantation française où est abordé lun des thèmes chers au maestro, celui de la famille. Véritable petit film autonome dans le grand, cest aussi une formidable leçon de géopolitique où est posé ouvertement la question du colonialisme et de loccupation étrangère dans le Sud-Est asiatique mais aussi un rare moment de répit hors du temps avant létape finale dans lantre de Kurtz.
Hormis lajout de ces scènes longues, on ne saurait faire une liste exhaustive des apports à cette nouvelle version dAPOCALYPSE NOW tant Coppola a su habilement glisser dans son montage plusieurs dizaines de plans inédits. Une chose est sûre cest quil na pas pris une ride et la fascination quil opère reste intacte. On reste cloué à son fauteuil sans jamais trouver le temps long et ce grand moment de cinéma mais aussi dhistoire, de politique et de philosophie na pas fini de nous hanter. Le bonheur, le bonheur