Et hop, un nouveau jour à 5 films!
Bon, promis, pour ceux qui s’inquiètent pour ma santé, c’est le dernier du Festival de Venise!
Longue journée mais pas forcément bien commencée. Transport sans encombres depuis Venise jusqu’au Lido (les trajets vaporetto commencent à peser), petit déjeuner et routine: 8h15, direction sala Darsena pour le film de 8h30: ORIGIN de Ava Duvernay (A WRINKLE IN TIME et beaucoup de séries télévisées).
Le film raconte comment, à l’occasion d’un meurtre raciste, une femme noire ayant eu le prix Pullitzer, va réaliser un livre bestseller aux US sur les problèmes raciaux en s’inspirant des problèmes de castes. Le film est donc une fiction autour d’un personnage, celui de la romancière, Isabel Wilkerson.
On se moque souvent des films qui annoncent qu’ils sont tirés d’un fait réel ou d’une vie réelle. Ici rien n’est annoncé et on rentre dans un film conçu comme une fiction et qui tourne en mélodrame appuyé après 10 minutes (le mari d’Isabel meurt, sa mère aussi et plus rien ne va dans sa vie). Malheureusement ce n’est pas une fiction, il s’agit bien d’une biographie sous une forme de (mauvaise) fiction qui a très peu l’air d’un film de cinéma tant la mise en scène est quelconque. Le tout en 2h10. Indigeste. Et l’on sort de la projection en étant certain d’une chose: le film aurait dû être un documentaire pur et dur qui nous aurait montré en profondeur comment Isabel Wilkerson est parti du système de castes pour démonter le racisme ambiant aux US. Cela aurait été profond, salutaire et respecteux du travail qu’elle a probablement fait pour son livre.
Donc, film raté sur un sujet important qui aurait mérité un traitement plus approprié.
Comme d’habitude à peine quitté la sala Darsena, nous sommes à nouveau prêts à y rentrer! Le film suivant aborde à nouveau le sujet de l’immigration (on sent que ce sujet est central pour le cinéma européen et on comprend pourquoi!).
C’est le film IO CAPITANO de Matteo Garrone qui nous embarque donc dans la grande aventure de l’immigration de 2 jeunes sénégalais, Seydou et Moussa, dans leur voyage vers l’Europe. Matteo Garrone, c’est GOMORRA ou encore le très bon DOGMAN (2018, pas celui de Besson). Donc on attend beaucoup de ce film. Et là encore, ça coince à nouveau. Pour dénoncer les méfaits de l’immigration, Garrone choisit deux jeunes qui n’ont à priori aucun besoin d’immigrer et qui voit cela comme une aventure, un jeu. Bien sûr ils déchanteront, mais pas trop. Car le scénario de Garrone et de ses co-scénaristes fait en sorte qu’ils ne rencontrent sur leur parcours que des gentils passeurs, des gentils faussaires et seuls des vilains gardiens de prison en Syrie feront ressentir l’horreur de l’immigration.

On passe donc à côté d’un phénomène catastrophique et honteux sans le dénoncer. Heureusement qu’il y a eu GREEN BORDER le jour d’avant sinon ce serait un bien mauvais exemple de prise de conscience.
A 13h15 au sortir de la salle, je me presse vers une salle légèrement à l’écart quelques centaines de mètres du reste du Festival, la salle du PalaBiennale, un grand bloc blanc dont les sièges sont aussi peu confortables que ceux du Nova à Bruxelles, c’est dire! Je vais là pour voir le nouveau Shinya Tsukamoto que l’on connait principalement chez nous pour TETSUO et les deux autres déclinaisons de son personnage fusionnant chair et métal. Avec HOKAGE (Shadow of Fire), on n’est pas dans la même thématique du tout mais on retrouve tout de même la patte de Tsukamoto. Le récit suit une prostituée vivant dans une petite maison dans une zone de guerre indéterminée au japon (avant ou après la bombe -difficile à dire) qui voit passer des clients plutôt violents et déboussolés jusqu’au jour où un soldat et un enfant semblent lui redonner un semblant de stabilité.
Le film baigne dans une atmosphère de fin du monde avec des plans glauques dans la maison et une narration répétitive comme aime à le faire Tsukamoto. C’est intéressant mais on a l’impression d’une conception en deux courts-métrages mis bout à bout plus que en un seul film. Cependant on est content de voir que le réalisateur nippon n’a pas perdu son talent ni son envie de filmer. On attend la suite!
Sortie vers 15h de la salle pour aller manger une petite pizza Salami un peu piquante (histoire de réveiller les papilles) avant la rédaction de la chronique du jour.
C’est seulement vers 18h30 que je termine, le temps de boire quelque chose et de se rendre à la sala Casinò dans le palazzo Casinò pour voir un film dont le sujet m’intéressait: 3 soeurs, Laura, l’aînée, Mira et Steffi, la plus jeune, sont livrées à elles-mêmes car la mère est partie sans laisser d’adresse comme elle le fait de temps à autres. Problème: les services sociaux voudraient bien venir voir ce qu’il se passe à la maison et pourquoi on ne voit plus certaines des filles à l’école.
Film suédois, PARADISE IS BURNING est un petit bijou dramatique qui joue avec les codes, se permet de passer outre la bienséance mais avec intelligence, d’amener une touche de féminisme très subtile (il n’y a pas de garçons dans ce groupe de filles, et les hommes adultes sont plutôt pathétiques). Les 3 jeunes comédiennes sont de nouvelles venues au cinéma et elles font croire à leurs personnages comme des pros! Une très belle surprise qui me fait vraiment recommander le film en espérant que celui-ci soit suivi par l’un ou l’autre distributeur belge!
Un petit 30 minutes de flâneries est toujours le bienvenu d’autant que c’est très difficile d’avoir ce genre de chose en Festival.
Je me dirige ensuite vers la sala Perla où j’arrive tout juste pour le commencement du nouveau film de Quentin Dupieux (qui en fait un par an!), le réalisateur de MANDIBULES, LE DAIM ou AU POSTE !, DAAAAAALI!. Un Dupieux, cela ne se raconte pas mais on peut dire qu’il s’agit d’une interview de Salvatore Dali qui prend des proportions que seul Dali peut faire atteindre. Très drôle, jouant pas mal sur le comique de répétition, faisant interpréter Dali par de multiples acteurs, le film est amusant mais n’est pas forcément le meilleur du réalisateur français, étant peut-être un peu trop facile. Mais ne boudons pas notre plaisir de sourire et de rire après les films aux sujets plus sociaux et plus difficiles que l’on retrouve sur la 80e Mostra.

Fin de la dure journée vers 23h (beaucoup plus tôt que d’habitude!), direction le vaporetto, les ermbruns, la chaleur douce du soir sur la lagune et la douceur d’un lit après 5 films pour enfin rêver au cinéma que l’on verra demain…
Et la lune se reflète sur la lagune comme tous les soirs à Venise.