Comandante
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80e Festival du Film de Venise: Jour J

par Eric Van Cutsem
Publié: Dernière mise à jour le

6h00 du matin. Premier jour du Festival. Ca y est! Nous voilà à pied d’oeuvre et les choses sérieuses commencent.

Pour quoi 6h? Parce qu’il faut se lever, se laver, se préparer, quitter l’appartement à Venise même, 10 minutes de parcours à pieds dans les petites ruelles de la cité de Doges, prendre à 7h15 le vaporetto 20 qui va nous emmener après 2 arrêts sur l’île du Lido, passer la sécurité (très cool pour ce premier jour), prendre son petit dej, une brioche al cioccolato à la buvette devant le Palazzo del Casinò (faut pas se laisser aller quand même!) et puis tranquillement se diriger vers la Salle Darsena juste à côté puisque nos places sont réservées.

« Réservées » pourrait signifier pas de stress. Hélas ce n’est pas le cas. Comme à Cannes, il faut depuis quelques années impérativement pour la presse (comme pour le public) réserver sa séance. Malheureusement tous ces systèmes souffrent du même problème: une congestion monumentale lorsque les 3000 journalistes (4500 à Cannes) se connectent à l’heure dite pour faire leur réservation. Résultats des courses: avec de la chance, une petite demi-heure pour faire les réservations, avec la scoumoune, 3 heures comme c’était mon cas le lundi avant le Festival. Je ne peux que leur proposer de voir comment Apple et consorts font pour que la réservation en ligne de leurs iphones se passent sans problèmes avec souvent plusieurs millions de personnes qui se connectent au même moment…

Mais passons sur ce détail (!) et revenons à nos moutons, le premier film du Festival à 8h30 en salle Darsena (2 sur le plan), COMANDANTE, production belgo-italienne de Edoardo De Angelis avec Pierfrancesco Favino (IL COLIBRI) dans le rôle titre du commandant de sous-marin, Salvatore Todaro. Belle photographie, récit plutôt original et méconnu de la guerre de 40-45, drame biographique et beau casting, COMANDANTE déroule sur 2h l’hagiographie du capitaine de sous-marins. Si le personnage mérite sans conteste que l’on s’y arrête, la façon de le mettre en avant n’est pas forcément des meilleures particulièrement sur la façon d’évacuer discrètement la période fasciste de l’Italie.

On retiendra en tout cas l’épisode comique de la recette des frites expliquée au chef cuisinier du sous-marin par des belges du nord du pays. La surprise de l’équipage italien face à cette recette n’avait d’égale que les éclats de rire (italiens et belges probablement) dans la salle durant la projection!

Et on retiendra aussi le froid intense dans la salle (on pense qu’il règle la clim sur 18 degrés) qui fait que quelques collègues et consoeurs claquent des dents à la sortie. Cela semble un grand classique de la sala Darsena et de la sala Grande.

Sortie de la salle Darsena vers 10h40, le temps d’échanger nos impressions sur le film et de rire sur la private joke des frites… et on repart en projection sur L’ORDINE DEL TEMPO de Liliana Cavani (PORTIER DE NUIT avec Charlotte Rampling). Le commencement du film (des amis dans une maison apprennent qu’un astéroide va s’écraser sur la terre) fait fortement penser à la comédie française HAWAÏ (qui n’a rien à voir pour autant) mais en diverge rapidement pour entamer une sorte de multiples dialogues simili-philosophiques sur l’amitié, la famille, l’amour, etc. Dialogues lourds, situations pesantes, film à l’eau de rose, L’ORDINE DEL TEMPO ne tient hélas pas les promesses d’une réalisatrice comme Liliana Cavani et s’emmêle rapidement dans une guimauve dont les acteurs peinent à sortir.

L'ordine del tempo
L’ORDINE DEL TEMPO

Il est des films que l’on oublie bien vite en Festival pour passer à autre chose et celui-ci risque hélas d’en faire partie. Il est passé 13h lorsque l’on sort. Je me dirige vers le jardin derrière le pallazo pour y retrouver des collègues et penser à aller manger quelque part sur Venise. Vaporetto 20 donc pour retourner vers Venise et se manger un plat de poulpes grillés très sympa.

Vers 15h, retour à l’appartement après un parcours labyrinthique dans les ruelles. Il faut mettre à profit les quelques heures avant la séance suivante à 19h15 pour écrire critiques et billet d’humeur.

SER SER SALHI de Lkhagvadulam Purev-Ochir commence à 19h15 dans la sala Casinò du Palazzo. Film mongol (co-production Qatar, Allemagne, Pays-Bas, Portugal, Mongolie, France, excusez du peu), CITY OF WIND (c’est le titre international) raconte l’histoire d’un jeune homme, studieux, chaman à ses heures, qui s’embarque dans une histoire d’amour avec une jeune fille délurée et qui se dévergonde peu à peu, allant même jusqu’à perdre son talent « chamanique ». Avec quelques scènes façon MEKTOUB MY LOVE, le film est surtout, pour nous occidentaux, l’occasion de se plonger dans la Mongolie moderne et de constater qu’à part le chamanisme, notre société de consommation a fait son oeuvre là-bas aussi! Les festivals sont aussi là pour cela: nous faire connaître des cultures et du cinéma du monde entier.

C’est à 21h05 que je sors le temps de se rafraîchir à l’extérieur car curieusement la sala Casinò était plutôt bien chauffée (on est loin du froid polaire de la sala Darsena). A peine dehors il faut déjà penser à retourner vers la sala Perla toujours dans le même Palazzo del Casinò (3 sur le plan) mais au premier étage.

Plan de la Biennale

21h45, c’est le début de la séance de EL CONDE, un film de Pablo Larrain, réalisateur chilien original et intéressant (NERUDA, JACKIE), dont le dernier film était très attendu. Il faut dire que le sujet est quand même surprenant: et si Augusto Pinochet était un vampire né sous la révolution française… Ca laisse rêveur non? Surtout quand on apprend que Tatcher pourrait être sa mère. Bon fini de spoiler, allez le voir quand il sortira sur Netflix, c’est très drôle, en noir et blanc, bourré de références aux films fantastiques et en même temps, il y a une portée politique évidente. Bon, soyons honnête, le film est un peu fourre-tout mais ça pourrait devenir un film culte dans certains milieux.

El Conde
El Conde

Il est 23H50 quand je quitte seul (mes colocs/collègues sont déjà tous en train de dormir!) pour prendre la vaporetto direction Venise/San Marco. File énorme à l’embarcadère. Je parviens à être de la première fournée et je vois la file s’agrandir tandis que le vaporetto file dans la lagune.

Arrivée à minuit passé sur Venise et que dire si ce n’est qu’à cette heure-là les petites ruelles de Venise font plus penser à Whitechapel du temps de notre compère Jack. De quoi vous poussez à accélérer le pas. Il sera minuit trente lorsque je serai enfin dans mon lit. Réveil mis sur 6h demain matin. Et dire que l’on dit que critique de cinéma ce n’est pas un métier… c’est en tout cas un sacerdoce!

Et la lune se reflète sur la lagune comme tous les soirs à Venise.

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