Titane

Titane

On se rappelle tous de la claque dans la gueule que l’on a eu en voyant GRAVE, le premier film de Julia Ducournau, l’histoire de cette jeune fille végétarienne, venant d’une famille de vétérinaires végétariens, qui, lors du bizutage pendant ces études vétérinaires prend goût à la viande… et pas n’importe quelle viande.

Après ce film, il ne faisait pas de doute que les fans de films de genre attendaient au tournant Julia Ducournau se disant qu’un talent comme elle n’avait pas fini de nous surprendre. Mais qui aurait supposé (ou même parié) sur la présence de son deuxième film en compétition à Cannes en 2021? Probablement personne (même si on le sait Cannes aime la polémique)!

Et voilà que son nouveau film TITANE est donc présent en compétition à Cannes. Et autant le dire, on n’est pas déçu. Si GRAVE attaquait le sujet subtilement, TITANE attaque les sujets qui tiennent à coeur à la réalisatrice de manière frontale.

Elle déclare son amour pour des réalisateurs et des auteurs dont l’amour du genre n’est plus à démontrer: David Cronenberg, Stephen King ou encore Shinya Tsukamoto sont des références directes même si on sent pointer d’autres références derrière certaines images.

Comme pour GRAVE, son personnage principale est une femme et comme pour GRAVE, la transgression en matière de genre n’est pas loin. Jugez plutôt: Alexia, femme traumatisée dans son enfance par un accident de voiture et une opération qui lui glisse quelques plaques de titane dans le crâne, devient une tueuse en série. Et oui, vous savez, celles qui, en principe, selon certaines normes patriarcales, ne peuvent jamais, au grand jamais, tuer en série leur prochain et en prendre du plaisir.

Et c’est en suivant Alexia, son personnage principal, que la réalisatrice déroule sa narration partant de la tueuse en série jusqu’à l’usurpatrice d’identité et de genre. Très ancré dans son époque, TITANE nous dépeint un monde interlope dans lequel rien n’est blanc ou noir.

Puisant dans les tréfonds de ses sujets de prédilections, et donc des réalisateurs ou auteurs qui l’ont marquée, on retrouve divers hommages plus ou moins appuyés ou plus ou moins bien digérés. Si clairement, l’accident et les dégâts du corps qui en résultent sont d’inspiration cronenbergienne (on pense à CRASH inévitablement), la fusion avec la voiture dans une scène d’accouplement improbable fait penser à CHRISTINE, tandis que la présence de plaques de titane qui marbrent le crâne d’Alexia rappelle bien sûr les délires chair/métal de TETSUO ou des autres oeuvres de Shinya Tsukamoto (qui se revendique clairement lui aussi de Cronenberg). Si on voulait pousser le bouchon un peu loin, on pourrait même dire que les scènes de danse dans la caserne des pompiers ne sont pas loin d’évoquer celles de MEKTOUB MY LOVE, INTERMEZZO dans lesquelles il y a cette fascination très primitive pour le mouvement des corps.

Après Garance Marillier que l’on avait découverte dans GRAVE (et que l’on retrouve ici dans un caméo aussi torride que court) même si elle avait déjà fait quelques rôles moins connus, c’est au tour de Agathe Rousselle, une nouvelle venue au cinéma, de rentrer dans le rôle complexe d’Alexia. Son côté à la fois très féminin mais aussi très androgyne, très animal dans ses mouvements, fonctionne parfaitement dans toutes les phases du récit. A ses côtés en père désespéré et complètement body-buildé, on trouve un Vincent Lindon presque méconnaissable…

TITANE est clairement, à l’instar de GRAVE, un film à ne pas mettre entre tous les yeux et qui plaira sans hésiter aux fans du genre. Le seul bémol que l’on pourrait voir à cet amalgame de références à différents auteurs, c’est qu’elles n’ont pas encore été suffisamment digérées par Julia Ducournau pour réellement nous donner une oeuvre complètement originale comme l’était GRAVE. Mais il ne fait aucun doute que la réalisatrice est à suivre absolument car son regard sur le cinéma de genre fera certainement référence dans les années à venir.

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