Equipe: Al Pacino, Anna Paquin, Harvey Keitel, Jesse Plemons, Joe Pesci, Martin Scorsese, Robert De Niro, Steven Zaillian
Durée : 189’
Genre: Drame policier
Date de sortie: 13/11/2019
Cotation:
Si vous avez manqué le début:
Dans un home pour vieillards, Frank se souvient et raconte sa vie depuis ses débuts en tant que peintre dans le bâtiment... un peintre d'un genre particulier...
Notre critique:
Rarement on aura autant parlé d’un projet de Martin Scorsese que pour THE IRISHMAN. En effet, cela fait désormais plusieurs années que le titre est sur les lèvres de tous les cinéphiles. Les raisons sont multiples. Tout d’abord, il s’agit d’un film de Martin Scorsese. Cela suffit mais ce n’est pas la seule raison. Les deux autres raisons principales sont le casting et le budget lié à ce casting. Voir Robert De Niro, Al Pacino, Joe Pesci ou encore Harvey Keitel réunis, cela ne peut qu’emballer des générations entières d’amateurs des plus grands films de gangsters. Vu que le film se déroule sur plusieurs générations, il a fallu rajeunir numériquement ces acteurs vieillissants afin de les rendre crédibles. C’est ainsi qu’avec ce de-aging comme on dit en anglais, rajeunissement numérique en français, le budget a rapidement grimpé pour atteindre une somme affolante estimée entre 140 et 160 millions de dollars.
Le film s’inspire du livre de Charles Brandt, lui-même basé sur la vraie vie de Franck Sheeran, un chauffeur devenu syndicaliste et tueur à gages. Une personnalité bien trempée dont la vie fut des plus mouvementées. S’intéresser à la vie d’un mafieux était logique pour Scorsese, roi du film de mafia. La question n’est pas de savoir si THE HIRISHMAN est le meilleur film de Scorsese mais, en tout cas, il ressemble fortement à un film somme. L’envergure et l’ampleur conférées au projet lui donnent un côté ultime. On a arrêté de compter le nombre de films sur la mafia qu’a réalisé le maître new yorkais tellement il en a fait. Cependant, jamais il n’en a réalisé un qui ressemble tant à une fresque presque épique, s’intéressant à la vie d’un personnage dans sa quasi entièreté. Pour adapter cette brique, Scorsese s’est fait aider par un spécialiste, Steven Zaillan. Disons-le clairement, Zaillan a fait de l’excellent boulot afin de rendre digeste cette histoire plutôt dense et Scorsese l’a bien transposé à l’écran pour livrer un film de 3h30 tout de même.
Alors qu’il avait quelque peu délaissé le genre durant plusieurs années, il revient en grande forme, en force même avec ce THE IRISHMAN. Le film fera date et rejoint d’ores et déjà le panthéon du réalisateur new-yorkais au même titre que THE GOODFELLAS, CASINO ou encore MEAN STREETS. La difficulté pour réussir THE IRISHMAN se situe sur plusieurs niveaux, tous plus ou moins bien réussis par Scorsese. Plus ou moins car il y a quand même un aspect ou l’autre qui pose problème. La première chose, c’était effectivement de rendre digeste le scénario pour le spectateur. Une vie aussi remplie et complexe que celle de Franck Sheeran, cela demande du temps. Surtout si on part de ses débuts en tant que petite main, sa montée en puissance dans l’organisation, dans le syndicat, sa vie de famille (ou plutôt sa presque quasi absence de vie de famille) jusqu’à son rôle dans la mort d’un important dirigeant. Bref, riche et potentiellement lourd à raconter.
Scorsese n’en est pas à son coup d’essai quand il s’agit de réaliser un film très long. La gestion du rythme, et ce peu importe la durée du film finalement, il maîtrise. La structure narrative a été construite avec délicatesse et est racontée au public au travers d’une voix off, un grand classique du film de gangsters. La deuxième difficulté était surmontée.
La troisième, c’est celle du rajeunissement numérique. Quand Scorsese a fait le choix de prendre comme comédiens Robert De Niro, Al Pacino ou encore Joe Pesci, il a également choisi de ne pas prendre d’autres comédiens pour jouer ces personnages plus jeunes. C’est ainsi qu’il s’est retrouvé à devoir rajeunir numériquement ses comédiens fétiches afin de leur rendre leur visage juvénile d’antan. Les premières images ont fait peur, très peur. Elles donnaient l’impression qu’ils étaient sortis d’une cinématique de jeu vidéo, que tout était artificiel. Les premiers plans sur lesquels a été appliqué du rajeunissement numérique ne sont guère plus rassurants. Ils font même toujours un peu peur. Cependant, on s’y fait rapidement. Une fois l’œil habitué à cette nouvelle donnée, un peu particulière, un peu perturbante, il se replonge directement dans la fresque sans aucun problème. Il n’y a qu’à la reprise où l’on voit Robert De Niro en soldat (où il est censé être dans la vingtaine) que ça pique encore un peu mais, pour le reste, le travail a été plutôt bien fait.
Si De Niro ne s’est pas spécialement fait rare au cinéma ces dernières années (alors que parfois il aurait sans doute dû), cela fait plus longtemps que l’on n’avait pas vu Al Pacino qui, décidément, enchaine les films cette année puisqu’il était également à l’affiche de ONCE UPON A TIME… IN HOLLYWOOD de Quentin Tarantino. De Niro est évidemment impeccable dans son rôle mais, la véritable star, celui qui nous épate le plus, c’est Pacino! Et de loin. Il est transcendé, en forme comme jamais, à un point tel qu’on regrette ne pas le voir plus souvent sur grand écran. Il est évident que le reste du casting est au top. Il faut également souligner le gros travail de Joe Pesci, d’une justesse millimétrée et moins nerveux qu’à l’habitude. Un pur plaisir, tout simplement. En même temps, quand Scorsese convie le gratin des comédiens de rôles de mafieux, Harvey Keitel, Ray Romano, Bobby Cannavale & co, cela ne peut que donner de bons résultats.
Il ne reste plus qu’à espérer que le public soit au rendez-vous dans les salles pour célébrer ce très grand film, cet hommage à un pan entier de l’histoire du cinéma dont Scorsese s’est fait un des portes-parole. En ce qui nous concerne, on attend déjà impatience le prochain rendez-vous de Scorsese qui a réuni deux de ses acteurs fétiches pour la première fois, Robert De Niro et Leonardo DiCaprio dans KILLERS OF THE FLOWER MOON.