Equipe:
Durée : 100’
Genre:
Date de sortie: 03/02/1998
Cotation:
Si vous avez manqué le début:
WELCOME TO SARAJEVO est tiré d'histoires vraies. Michael Henderson (Stephen Dillane) est journaliste envoyé à Sarajevo en pleine guerre civile. Il chasse le scoop et immortalise les images les plus terrifiantes. Non pas pour conquérir quelques minutes d'antenne, comme Flynn, l'Américain (Woody Harrelson), mais plutôt pour sensibiliser les occidentaux, éviter qu'ils n'oublient qu'à moins de deux mille kilomètres, des innocents se font trouer la peau pour des idées. Juste des idées. A force de côtoyer la misère et le désespoir, Michael finit par s'impliquer personnellement. Lors d'un reportage sur un orphelinat, il s'attache à Emira. Il promet à la petite fille de la tirer de là.
Notre critique:
Avril 1992, pas loin de chez nous. La Yougoslavie s’embrase. Une guerre civile qui couvait depuis des siècles éclate et déchire le pays en nations indépendantes. La violence du conflit dépasse l’entendement. Les civils sont les premières victimes des soldats. Sarajevo, une ville coincée au milieu des montagnes, est assiégée par des bandes armées. Les obus tombent au hasard sur les bâtiments; des francs tireurs abattent les habitants qui courent dans la rue pour chercher de l’eau. Cela dure quatre ans.
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1998. La mémoire a facilement tendance à oublier les horreurs de l’histoire. On ne se sent pas concerné. Ce n’était pas chez nous. Bien sûr, on s’indignait devant notre poste de télévision qui crachait des images abominables. Mais à quoi bon? On a baissé les bras. Maintenant, on zappe entre les jeux télévisés et les séries lobotomisantes.
Heureusement, certains cinéastes sont là pour raviver le débat, pour tirer la sonnette d’alarme et botter le cul des je-m’en-foutistes. Michael Winterbottom met son pied dans la fourmilière. WELCOME TO SARAJEVO n’est peut-être pas le premier film à parler de la guerre en ex-Yougoslavie (rappelez-vous du très beau LE CERCLE PARFAIT), mais il a le mérite d’adopter un point de vue européen. Et du coup, il nous implique nettement plus…
Evidemment, un sujet comme celui-là est toujours dangereux. Pas question de sombrer dans le voyeurisme gratuit ou dans la dramatisation forcée. D’un autre côté, il faut aller suffisamment loin pour remuer les consciences. Winterbottom est sur le fil du rasoir.
En quelques plans, il installe le décor: une cité ravagée dans laquelle vivote un microcosme journalistique. Un univers étrange, bigarré. Un mélange de personnalités fortes, à la limite de la caricature. A la limite, car on ressent immédiatement combien ces femmes et ces hommes sont brisés par ce qu’ils vivent. Et c’est par cette faille précisément que s’engouffre la vérité qui rapproche ces personnages de nous. Stephen Dillane, qui interprète Henderson, est bouleversant. Il nous entraîne dans sa dérive et dans ses doutes. Il nous projette dans sa lutte, sans hausser le ton, tout en subtilité. A aucun moment, on ne doute qu’il est père de famille, journaliste, et homme de parole et de c¦ur. A ses côtés, on retrouve Woody Harrelson (THE PEOPLE VS. LARRY FLYNT et NATURAL BORN KILLERS) en star américaine. Lui aussi dépasse son image. Derrière sa façade médiatique, Flynn est désabusé et boit pour oublier.
WELCOME TO SARAJEVO brasse pas mal d’idées. Que ce soit sur le journalisme ou sur la politique, Winterbottom n’hésite pas. Il prend position et pointe du doigt le ridicule des protocoles, ou l’absurdité du non-interventionnisme. Il nous assène des images chocs. Aux scènes reconstituées, il mélange de vraies images d’actualité. Si le procédé est manipulateur, le résultat est fulgurant. C’est insupportable. Juxtaposé à des extraits de discours officiels, c’est carrément révoltant. Oui! Winterbottom milite. Et alors? Comment rester insensible à ce qu’on voit et à ce qu’on entend? Toutes les guerres sont dégueulasses. Les dés sont pipés d’avance par des politicards faux-culs qui ne savent prendre position que lorsqu’il s’agit de petites culottes à la Maison Blanche ou de fûts de pétrole. La merde, la vraie, il faut un tapis rouge à ces messieurs pour passer dessus.
Au niveau technique, Winterbottom se montre tout aussi inspiré. Le montage est très travaillé. Il alterne des scènes très rythmées, tournées à la vidéo, gonflées pour le passage à l’écran cinématographique, et des images arrêtées, instants suspendus pleins de dignité et de retenue, qui précèdent l’horreur. En trois films, BUTTERFLY KISS, JUDE et maintenant, WELCOME TO SARAJEVO, cet Anglais impétueux impose un style, une puissance et une finesse qui égalent ses plus grands contemporains. Oliver Stone, pourtant spécialiste des films historiques remaniés, a trouvé personne à qui parler. Il était temps.
Il est toujours temps pour parler de ces choses-là.