En pleine post-production du troisième opus du Seigneur des Anneaux, Peter Jackson préparait déjà le tournage de son King Kong, profitant ainsi d’une équipe rodée et bien entraînée. Mais l’idée de ce film avait depuis longtemps germée dans la tête de Jackson qui, dès l’âge de huit-neuf ans, avait rêvé de ce tournage, et en avait même écrit la première mouture de scénario en 1996… Il aura fallu donc attendre une trilogie de plus et une bonne dizaine d’années pour que l’imaginaire devienne réalité.
Et quand on sait que Peter Jackson a fait rêver des millions de personnes avec sa splendide retranscription de la saga du Seigneur des Anneaux, on pouvait s’attendre à ce qu’il nous embarque dans une aventure digne de lui avec ce KING KONG.
Et une fois de plus, il ne nous déçoit pas! En plaçant l’histoire dans les années 30, il rend, avec ses scénaristes fétiches (dont sa femme Fran Walsh), un vibrant hommage au Kong des origines. Avec une reconstitution minutieuse en studio et en images de synthèse de cette époque, Peter Jackson donne aussi une plus grande intemporalité à son histoire pour mieux la rendre universelle. Il faut dire que le sujet est on ne peut plus d’actualité en ce 21e siècle où l’argent domine le monde en dépit du bon sens qui voudrait que l’être humain se rappelle plutôt d’où il vient et qui il est afin de retrouver sa place réelle dans la nature. Le réalisateur Carl Denham est, dans le film, le parfait représentant de cette espèce humaine qui fait fi des règles élémentaires de la vie pour se remplir les poches. Et lorsque l’un des protagonistes glisse au sujet de Denham: « C’est son indéfectible capacité à détruire les choses qu’il aime… », on se doute que ce n’est pas là une phrase anodine pour les scénaristes!
Mais Jackson ne s’arrête pas là… Comme on pouvait s’y attendre, si il ancre son film dans le réel (les images de la Dépression au début), il nous livre aussi une oeuvre complexe et divertissante à la fois. Il joue ainsi avec un humour et une ironie orientée tantôt sur les milieux du cinéma (le scénariste joué par Adrien Brody qui écrit dans une cage) tantôt sur des moments clés du film (la rencontre de Kong et d’Ann tournant au numéro de music-hall, la colère de Kong qui se retourne contre lui, etc). Et à l’heure du succès des productions de Hong Kong, il se permet même de nous servir un petit numéro de King Kong fighting…
Le réalisateur-scénariste ne se satisfait pas que des effets spéciaux (somptueux, il faut bien le dire), il se concentre aussi sur les personnages, sur l’histoire d’amour entre Jack Driscoll et Ann Darrow, et il nous tient en haleine avant l’arrivée sur l’île du Crâne, jouant du mystère et de l’angoisse avec le même savoir-faire qu’il déploie dans les scènes de terreur lors de la rencontre avec les indigènes gardiens du grand singe. Il n’en oublie pas non plus pour autant de faire du sentimentalisme quand il faut, sans sombrer dans le mélo.
Et à l’opposé d’un George Lucas qui oublie ses personnages derrière ses effets spéciaux, Peter Jackson donne la part belle à ses interprètes, les laissant s’exprimer plus par la gestuelle et leur visage que par des dialogues limités au strict nécessaire. Et l’on est ainsi pas prêt d’oublier les yeux bleus profonds de Naomi Watts ou la composition de Jack Black (MARS ATTACK!, THE SCHOOL OF ROCK) en réalisateur sans scrupules, pourri jusqu’à la moelle.
Si il fallait trouver un bémol à tant d’éloges, il serait peut-être dans certaines scènes de ‘ride’ (notamment la fuite des dinosaures) où la longueur nuit à la crédibilité et prête à rire. Mais ce ne sont que quelques rares moments qui, comparés à l’intensité de la magie des trois heures de film, n’empêcheront certainement pas KING KONG d’être le spectacle incontournable de ces fêtes de fin d’année…