Avalon

Avalon

par Olivier Guéret
Publié: Dernière mise à jour le

Equipe:
Durée : 106’
Genre:
Date de sortie: 30/04/2002

Cotation:

0 sur 6 étoiles

Si vous avez manqué le début:

Dans un futur proche, la jeunesse s’est créée une réalité alternative: celle d’un jeu de guerre virtuel et illégal, nommé Avalon, du nom de l’île légendaire où reposent les âmes des héros. Ash gagne sa vie en jouant à Avalon. Elle fait sans cesse le va-et-vient entre deux mondes; elle faisait partie des Wizards, une équipe de joueurs aujourd'hui dissoute. Un jour, elle découvre que Murphy, ancien Wizard comme elle, est devenu un 'non-revenu'. Comment un joueur aussi brillant que lui s’est-il laissé piéger?

 

Notre critique:

Après le formidable animé GHOST IN THE SHELL, Mamuro Oshii réemprunte les chemins du film dit ‘live’ pour une nouvelle expérience cybernétique: AVALON. Si de prime abord, les deux ouvrages peuvent paraître fort éloignés, ils sont reliés par un fil embryonnaire: la quête d’une certaine humanité. Comme si le maître venait de mettre au monde le pôle positif (ou négatif) de son précédent chef-d’oeuvre; avec toujours, en ligne de mire, les mêmes préoccupations…

Nul doute n’est permis, avec AVALON, Mamuro Oshii pénètre un peu plus la science-fiction contemporaine. Sous le couvert de la légende du Roi Arthur et de sa quête du Graal matinée de jeu de rôle et de jeux virtuels, Oshii esquisse le portrait d’une société contemporaine en perte de repère. Sa fiction rétro-futuriste s’ancre visuellement dans le cinéma polonais des années 70 où flottent les fantômes de Tarkovski voire de Kieslowski, cinéastes admirés par notre génie nippon.

Mais derechef, il fait évoluer notre lecture visuelle en imbriquant totalement les mondes réels et virtuels (le but suprême du jeu n’est-il pas d’atteindre ‘la classe réelle’?). De fait, nous ne saurons jamais dans quel univers évolue le personnage de Ash, héroïne sauvage et solitaire en pleine quête existentielle. Pour pénétrer la sphère d’AVALON, il lui suffit donc d’enfiler un casque, une couronne de l’oubli, qui la propulsera sur le terrain… Dans le jeu, les combattants touchés s’aplatissent en deux dimensions avant de se briser comme de vulgaires morceaux de verres (ou jouets). La patine sépia, la beauté des plans et l’élégance de la mise en scène traduisent cette volonté de renouvellement graphique de ce bidouilleur d’image hors-norme. Même si Oshii tourne avec de vrais acteurs, dans de vrais décors (en Pologne), il passe par la palette graphique, objet de contrôle absolu du créateur sur ses créatures. Ainsi, les ombres, les battements de cils, le grain de peau, l’expression même de l’actrice ne sont dû qu’aux bons vouloirs de ses clics de souris. Et l’actrice Malgorzata Foremniak devient peu à peu une égérie de celluloïd, réplique parfaite de ce que son géniteur avait en tête. Et l’ultime mode de création cinématographique de se redéfinir continuellement sous nos yeux…

Pourtant AVALON, ce n’est pas que de la belle technique, c’est aussi une philosophie contestataire, celle d’un(e) rebelle face à une société ultra-policée. Et le lien de se resserrer avec le premier cinéaste polonais pré-mentionné… A coups de petits détails, Oshii dépeint notre quotidien en devenir: une solitude renforcée, une précarité accentuée, des centres de satisfactions illusoires… Une vie erratique dans un monde en proie aux leurres.

Voilà donc un nouvel OVNI à se mettre sous les yeux et les oreilles (ô merveilleusement prenante musique de Kenji Kawai!). Le décryptage n’est certes pas toujours aisé mais l’approche intellectuelle de l’ensemble s’avère bien vite totalement fascinante. Avec AVALON, Oshii dresse un miroir déformant et renvoyant l’image d’une société branlante qui passe sciemment à côté de l’essentiel pour faire du futile sa raison de vivre. Superbement troublant!